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Issue
Radioprotection
Volume 53, Number 2, April-June 2018
Page(s) 123 - 131
DOI https://doi.org/10.1051/radiopro/2018010
Published online 18 April 2018

© EDP Sciences 2018

1 Introduction

La radiosensibilité accrue des enfants, ainsi que leur espérance de vie plus longue, nous obligent à être encore plus vigilants lors de la réalisation d’examens médicaux utilisant les rayonnements ionisants (UNSCEAR, 2006 ; Baysson et al., 2012). En radiologie conventionnelle, les niveaux d’exposition se situent dans le domaine des faibles doses. À titre d’exemple, en France (2010), environ 30 % de la population pédiatrique a été exposé à au moins un acte diagnostique utilisant les rayonnements ionisants, avec une valeur moyenne 0,65 mSv1. Même si les risques stochastiques restent théoriques à ce niveau de dose (extrapolation sur la base d’une relation linéaire sans seuil), il est nécessaire d’être attentif aux principes de la radioprotection, aussi bien sur le plan de la justification des actes que sur l’optimisation des doses de rayonnements ionisants.

La cystographie rétrograde et le Transit Oeso-Gastroduodénal (TOGD) sont des examens relativement fréquents en radiologie pédiatrique, même si les indications ont beaucoup diminué depuis une dizaine d’années. Au CHU de Saint-Étienne (CHUSE), le service de radio-pédiatrie réalise environ 70 TOGD et 90 cystographies rétrogrades chaque année, sur des enfants de moins de 15 ans. L’indication la plus courante de TOGD est la recherche d’anomalie anatomique dans le cadre de nombreux contextes cliniques :

  • reflux gastro-œsophagien ;

  • blocage alimentaire ;

  • troubles de l’alimentation avant la pose de gastrostomie.

Les cystographies sont réalisées en cas de récidive de pyélonéphrites, ou en cas de découverte d’une uropathie malformative à l’échographie.

La première partie de cette étude consiste en l’appréciation des niveaux d’exposition pour ce type d’examen, en les comparant aux données de la littérature. La seconde partie est l’évaluation des pistes d’optimisation possibles afin de s’inscrire dans une démarche d’assurance qualité et de méthode ALARA (« As Low As Reasonably Achievable »), principe réglementaire présent dans le code de la santé publique (R 1333-1) et rappelé dans la dernière directive européenne2. Notre étude s’est déroulée sur 3 ans (mars 2013 à mars 2016), durant lesquels nous avons enregistré les doses de 186 cystographies et 129 TOGD.

2 Matériels et méthodes

2.1 Installation radiologique

Les cystographies et TOGD pédiatriques ont été réalisés sur une installation Siemens Axiom Luminos dRF équipée d’un capteur plan (43 × 43 cm2) et de nombreux outils d’optimisation des doses, notamment :

  • scopie pulsée (de 3 à 15 images/s) ;

  • graphie cadencée (de 0,5 à 8 images/s) ;

  • 3 filtrations additionnelles au choix : 0,1–0,2–0,3 mmCu ;

  • plusieurs courbes de régulation de scopie ;

  • filtres semi-transparents ;

  • LIH − Last Image Hold (Gel de la dernière image de scopie).

2.2 Données dosimétriques

Le compte rendu dosimétrique détaillé nous a permis d’obtenir les données suivantes : Kerma total dans l’air à 30 cm au-dessus du capteur plan, PDS (Produit Dose X Surface) total, temps de scopie total, nombre de séries, nombre d’images de graphie, le protocole sélectionné. Le PDS pour chaque série ou graphie était également présent. Ces éléments nous ont permis d’évaluer, par exemple, les pourcentages de dose dus respectivement à la graphie et à la scopie. Dans le cadre du contrôle de qualité interne3, l’affichage du PDS est vérifié annuellement en graphie et en scopie. Les écarts constatés, entre les PDS affichés et mesurés, étaient inférieurs à 10 % (en graphie et en scopie). Il n’y a donc pas eu de facteur de correction appliqué sur l’affichage.

2.3 Matériel de dosimétrie et fantômes utilisés

Le dosimètre utilisé pour mesurer les doses et débits de dose était un Xi Unfors Platinium étalonné annuellement. Pour simuler des patients d’épaisseur variable, nous avons utilisé un fantôme de PMMA (Polyméthacrylate de méthyle) d’épaisseur variable (4, 8, 12, 16 et 20 cm). Un flacon de produit de contraste iodé (250 mL) était également utilisé pour la simulation d’une vessie en cours de réplétion lors d’une cystographie. Enfin, une mire TOR 18 FG nous a permis d’évaluer la qualité des images radiologiques (bas contraste et résolution spatiale).

2.4 Méthode

2.4.1 Évaluations dosimétriques pré et post-optimisation

Nos évaluations dosimétriques prospectives, pré et post-optimisation, consistaient à relever pour tous les examens les paramètres suivants :

  • PDS total de graphie ;

  • PDS total de scopie ;

  • temps de scopie ;

  • nombre de graphies ;

  • programme anatomique sélectionné ;

  • âge du patient ;

  • nom du praticien ;

  • indication de l’examen.

L’évaluation pré-optimisation s’est déroulée sur 15 mois (mars 2013 à mai 2014) et a permis d’effectuer 87 relevés dosimétriques pour la cystographie et 70 pour le TOGD réalisés sur des patients de 0 à 15 ans. L’étude post-optimisation a débuté en janvier 2015, pour se terminer en mars 2016 et a permis d’obtenir un nombre de relevés dosimétriques proche : 99 pour la cystographie et 59 pour le TOGD.

2.4.2 Optimisation

Suite à l’étude dosimétrique pré-optimisation, nous avons identifié et évalué des pistes d’amélioration possibles sur nos pratiques. Nos choix se sont portés sur :

  • une argumentation dans le choix du programme anatomique de l’installation ;

  • l’adaptation de la géométrie des cellules d’exposition ;

  • la réduction de la cadence d’images ;

  • le retrait de la grille anti-diffusante en dessous d’une certaine épaisseur de patient.

Pour valider les critères d’optimisation, nous avons mesuré les doses et débits de dose à l’entrée du fantôme. Concernant le choix du programme anatomique de l’installation, nous avons également évalué la qualité des images radiologiques de 2 façons :

  • analyse de la résolution spatiale et du bas contraste sur fantôme, à l’aide de la mire TOR 18 FG ;

  • réalisation d’une étude rétrospective, faite par les radiopédiatres, de la qualité des images réalisées sur 52 patients de différents âges, en indiquant dans chaque cas si la qualité de l’image est jugée « inacceptable », « acceptable », « bonne » ou « très bonne ».

Nous avons porté une attention particulière à préserver une qualité d’image permettant la réalisation du geste ainsi que son interprétation, car l’objectif de l’optimisation est de réduire les doses, tout en maintenant une qualité d’image acceptable.

Pour étudier l’impact dosimétrique d’un changement de géométrie de cellules, nous avons réalisé un « montage simple » simulant, à l’aide d’un flacon d’iode (250 mL), une vessie en réplétion d’un tiers et de deux tiers dans un fantôme de PMMA de 12 cm (Fig. 1).

thumbnail Fig. 1

Schéma de la mesure de la dose dans l’air à l’entrée d’un fantôme de 12 cm de PMMA contenant un flacon de produit de contraste iodé simulant une vessie en réplétion d’un tiers et de deux tiers lors d’une cystographie.

Diagram of air Kerma measurement at the entrance surface of phantom 12 cm-thick PMMA containing a bottle of iodine contrast agent simulating a bladder in one third and two-thirds repletion during a cystography.

2.4.3 Évaluations dosimétriques post-optimisation

Concernant l’étude post-optimisation, nous nous sommes basés sur la même méthodologie que l’étude pré-optimisation. Elle a débuté en janvier 2015, pour se terminer en mars 2016 et ainsi obtenir un nombre de relevés dosimétriques proche : 99 pour la cystographie et 59 pour le TOGD.

À ce jour, il n’a pas été établi de Niveaux de Référence Diagnostiques (NRD) réglementaires4 pour ce type d’examen. Il existe néanmoins une étude multicentrique réalisée au Royaume Uni entre janvier 2006 et décembre 2010. 320 hôpitaux ont participé à cette étude pour différentes procédures radiologiques. Ce travail conséquent mené par la Health Protection Agency (HPA) (Hart et al., 2012) a permis d’obtenir des niveaux d’exposition anglais fiables. Par conséquent, l’évaluation de nos pratiques en matière de dosimétrie sera basée sur ce travail anglais.

3 Résultats

3.1 Étude pré-optimisation (2013–2014)

Cette étude pré-optimisation nous a permis d’effectuer 87 relevés dosimétriques pour la cystographie et 70 pour le TOGD réalisés sur des patients de 0 à 15 ans. Le PDS total en fonction de l’âge de l’enfant pour les cystographies et les TOGD sont présentés respectivement sur les figures 2 et 3. Les niveaux de référence de l’étude anglaise (Hart et al., 2012) ont également été introduits sur chaque graphique (avec des courbes d’extrapolations) afin d’apprécier nos pratiques en matière de dose. Concernant le TOGD, l’étude anglaise distingue deux examens : transit oesophagien TO (Barium Swallow en anglais) et étude gastroduodénale GD (Barium meal en anglais). En toute rigueur, on ne peut pas considérer un niveau de référence de TOGD comme étant la somme des niveaux de référence du TO et de l’étude GD car la zone oeso-gastrique est explorée dans ces deux examens. Toutefois, pour permettre une comparaison, nous reportons sur le graphique les niveaux de référence du TO (Barium Swallow) et de l’étude GD (Barium meal), ainsi que la somme des deux.

Les PDS médians, par tranche d’âge, pour les cystographies et TOGD sont également établis dans les tableaux 1 et 2.

thumbnail Fig. 2

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour la cystographie (N = 87). Report des niveaux de référence publiés par la HPA sous forme d’une courbe d’extrapolation.

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at the University Hospital of Saint-Etienne according to the age for cystography (N = 87). Transfer of the Reference levels published by the HPA in the form of a curve of extrapolation.

thumbnail Fig. 3

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour le TOGD (N = 70). Report des niveaux de référence publiés par la HPA (niveaux de référence du TO, du GD, ainsi que la somme des deux) sous forme de courbes d’extrapolations.

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at the University Hospital of Saint-Etienne according to the age for barium swallows of gastro-esophageal system (N = 70). Transfer of the Reference levels published by the HPA (Reference levels for barium swallow, for barium meal and their sum) in the form of a curve of extrapolation.

Tableau 1

PDS médians et nombre de relevés dosimétriques lors des cystographies pédiatriques (études pré et post-optimisation).

Median Dose Area Product (DAP) and number of dose reports for pediatric cystography (study pre and post-optimization).

Tableau 2

PDS médians et nombre de relevés dosimétriques lors des TOGD pédiatriques (études pré et post-optimisation).

Median Dose Area Product (DAP) and number of dose reports for pediatric barium swallows of gastro-esophageal system (study pre and post-optimization).

3.2 Optimisation

Les différentes pistes d’optimisation évaluées ont été :

  • le choix du programme anatomique (qui détermine la tension et la filtration du tube RX en mode de graphie) ;

  • l’adaptation de la géométrie des cellules d’exposition ;

  • le retrait de la grille anti-diffusante en dessous d’une certaine épaisseur de patient ;

  • la diminution de la cadence image (pour les cystographies).

3.2.1 Choix du programme anatomique

Les tensions appliquées en radiographie cadencée « faible dose » (Digital Fluoro Radiography ou DFR chez Siemens) sont les tensions annoncées dans le nom des programmes anatomiques de l’installation (ex : DFR_TOGD_90kV_0,5i/s). L’analyse des relevés dosimétriques a mis en évidence qu’il n’y avait pas de programme choisi par tranche d’âge de manière claire. À titre d’exemple, pour les cystographies chez les patients de 1 an, différents programmes étaient utilisés de 75 à 85 kV sans critère défini.

Nous avons donc évalué l’impact dosimétrique du choix des programmes anatomiques en fonction de l’épaisseur du fantôme (8, 12, 16 et 20 cm). Les doses à l’entrée du fantôme (en graphie) pour les différents programmes anatomiques de cystographie sont illustrées sur la figure 4.

Nous observions une augmentation exponentielle de la dose en fonction de l’épaisseur du fantôme quel que soit le programme utilisé. Cependant, en graphie, le choix du programme anatomique entraînait une différence significative de la dose pour des épaisseurs supérieures à 15 cm. Par exemple, pour une épaisseur de 20 cm de PMMA, le programme DFR_Cysto_75 kV engendrait une dose à l’entrée du fantôme 70 % plus importante que celle avec le programme DFR_Cysto_80 kV (226 μGy contre 134 μGy). La tension de graphie n’était pas la seule explication à cet écart. En effet, les filtrations additionnelles étaient différentes : 0,1 mmCu pour le programme à 75 kV contre 0,2 mmCu pour celui à 80 kV. Les mesures, dans les mêmes conditions, pour le TOGD ne sont pas présentées ici car elles montraient les mêmes tendances.

L’ensemble de ces mesures nous a incités, d’un point de vue dosimétrique, à travailler avec les programmes de plus haute tension.

Pour établir un choix clair et pertinent dans les programmes anatomiques à utiliser, les radiopédiatres ont réalisé une étude rétrospective sur la qualité des images réalisées sur 52 patients de différents âges avec les différents programmes anatomiques. À l’exception d’un examen TOGD sur un patient de très forte corpulence, toutes les images ont été jugées « bonnes » ou « très bonnes » quels que soient les programmes utilisés. En considérant les doses délivrées et la qualité des images, nous avons donc choisi de n’utiliser que 2 programmes au lieu des 7 initiaux : un pour les cystographies (DFR_Cysto_85kV) et un pour les TOGD (DFR_TOGD_90kV).

thumbnail Fig. 4

Doses (Graphie DFR) à l’entrée du fantôme en fonction de l’épaisseur du fantôme pour les 4 programmes anatomiques de cystographie.

Entrance doses (DFR Radiography) according to the phantom thickness for 4 anatomical protocols of cystography.

3.2.2 Géométrie des cellules (exposemètres automatiques)

En analysant les relevés dosimétriques détaillés, nous observions une augmentation du PDS de graphie au cours de l’examen. Cette augmentation était corrélée au remplissage de produit de contraste de l’organe étudié (vessie, estomac…). Ceci provenait de l’utilisation de la cellule centrale durant tout l’examen (cystographies et TOGD), alors qu’un passage en cellules latérales pouvait diminuer l’exposition (Dillenseger et Moerschel, 2009 ; Herrmann et al., 2012). Nous avons donc évalué l’impact dosimétrique d’un changement de géométrie de cellules à l’aide d’un fantôme simulant deux niveaux de réplétion de produit de contraste iodé (Fig. 1).

Les mesures ont montré qu’un passage en cellules latérales réduisait de 40 à 60 % la dose en graphie (respectivement pour une vessie remplie d’un tiers et de deux tiers). En sélectionnant les trois cellules (latérales + centrale), les réductions étaient de 20 à 40 %. Cependant, ces changements de géométrie de cellules n’étaient accessibles qu’à partir d’une certaine taille de champ, ce qui correspond en clinique aux examens réalisés sur des enfants à partir d’environ 4 ans.

Sur la partie radioscopique de l’examen, le personnel possédait déjà une pratique optimisée qui consistait à figer les paramètres de radioscopie avant l’arrivée du produit de contraste. En effet, l’usage de la scopie automatique engendre une exposition plus importante lorsque la zone imagée se remplit de produit de contraste.

3.2.3 Cadence d’images en radiographie cadencée (mode DFR)

Au cours du geste, il est parfois nécessaire de faire une série d’images de graphie, bien que le nombre d’images soit toujours limité au minimum indispensable. Pour les cystographies et TOGD, le mode de radiographie utilisé est le DFR (Digital Fluoro Radiography) qui permet de réaliser des graphies cadencées en basse dose. Un autre mode de radiographie de haute résolution (nommé RAD sur cet équipement) est disponible mais n’est pas utilisé pour ces gestes. Initialement, les cadences étaient paramétrées à 0,5 image/s et 1 image/s, respectivement pour les TOGD et les cystographies. Les radiopédiatres ont décidé de diminuer la cadence à 0,5 image/s pour la cystographie également. Il est à noter que cette cadence est facilement modifiable en cours d’examen. La diminution de la cadence image d’un facteur 2 entraînera une réduction de dose du même facteur sur les séries de radiographie cadencée (mode DFR). Cette modification devait apporter un gain dosimétrique important étant donné que l’analyse détaillée des rapports de doses montrait que 88 % du PDS total était dû à la radiographie cadencée pour les cystographies.

3.2.4 Retrait de la grille anti-diffusante

L’utilisation de la grille anti-diffusante était systématique, quel que soit l’âge de l’enfant. Cependant, lorsque l’épaisseur traversée est inférieure à 10–12 cm, cette grille peut être ôtée car le rayonnement diffusé est en plus faible proportion. La mise en place de cette pratique permettait également de diminuer de manière importante l’exposition (Foulquier, 2010), lorsque l’épaisseur traversée était inférieure à 10–12 cm (donc pour les enfants de 0 à 4–5 mois).

3.3 Étude post-optimisation (2015–2016)

Toutes les propositions d’optimisation étudiées ont été validées par les équipes médicales, paramédicales et le physicien médical. L’étude post-optimisation (janvier 2015 – mars 2016) a permis d’évaluer les gains dosimétriques observés sur les patients. Elle a montré une diminution significative des expositions pour les cystographies et TOGD (voir respectivement les Fig. 5 et 6), mais également une uniformisation des valeurs d’exposition.

Afin de mieux apprécier les gains dosimétriques obtenus, nous avons calculé les PDS médians par tranches d’âge, pour les études pré et post-optimisation (Tab. 1 et 2).

Pour les deux examens étudiés, l’évaluation dosimétrique post-optimisation a montré une diminution significative des doses. Pour les  tranches d’âge (0–4 mois, 4–23 mois et 2–10 ans), les PDS médians ont été respectivement réduits d’un facteur 6, 2,9 et 2,3 pour la cystographie, et de 2,8, 1,4 et 2 pour le TOGD.

thumbnail Fig. 5

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour la cystographie lors des études pré-optimisation (croix) et post-optimisation (carrés).

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at University Hospital of Saint-Etienne according to the age for cystography during the study pre-optimization (crosses) and post-optimization (squares).

thumbnail Fig. 6

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour les TOGD lors des études pré-optimisation (croix) et post-optimisation (carrés).

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at University Hospital of Saint-Etienne according to the age for barium swallow of gastro-esophageal system during the study pre-optimization (crosses) and post-optimization (squares).

3.4 Mise en place de niveaux de référence locaux (NRL)

Enfin, pour que ces niveaux d’exposition perdurent, nous avons mis en place des « Niveaux de Référence Locaux » (NRL) (Rauch et al., 2012 ; AIEA, 2014) en cystographie et TOGD pour les 3 tranches d’âge, basés sur le 75e centile de notre distribution de doses relevées lors de l’étude post-optimisation (Tab. 3). Nous avons choisi 3 tranches d’âges pour lesquelles les doses étaient relativement homogènes afin que ces niveaux de références soient pertinents. Pour que ces NRL soient représentatifs, il est recommandé que l’échantillon de données par tranche d’âge soit supérieur à 20 pour ce type de geste5. Ceux que nous avons établis sont donc représentatifs, sauf pour le TOGD de 0 à 4 mois car il n’est basé que sur 12 relevés. Il sera nécessaire de poursuivre l’étude pour atteindre un échantillon supérieur à 20 dans cette tranche d’âge.

L’ensemble du personnel a également été informé de l’intérêt de ces niveaux de référence. En précisant notamment, qu’ils ne sont pas une limite à ne pas dépasser ou une dose optimale, mais plutôt un niveau d’exposition en dessous duquel nous devrions nous situer pour un « examen standard » réalisé sur un enfant de « morphologie standard ».

Tableau 3

Niveaux de référence locaux exprimés en PDS pour les TOGD et cystographies pour 3 tranches d’âge de patient.

Local Diagnostic Reference Levels (using DAP) for barium swallows of gastro-esophageal system and cystography by 3 age group.

4 Discussion

Concernant l’étude dosimétrique pré-optimisation des cystographies, les niveaux d’exposition (Fig. 2) étaient cohérents avec les niveaux de référence publiés en Angleterre, excepté pour les enfants de plus de 10 ans pour lesquels nous constations des disparités de dose plus importantes. Un relevé systématique du poids et de la taille des patients aurait peut-être permis de mieux comprendre les niveaux les plus élevés. En effet, l’épaisseur traversée par le faisceau de rayons X joue un rôle important dans les niveaux d’exposition du fait des automatismes de l’installation (régulation en scopie [Geise, 2001 ; Rauch et al., 2012] et exposemètres automatiques). Il faut toutefois garder à l’esprit que les niveaux de référence de Grande Bretagne sont en général plus bas que ceux établis en France6. On doit donc relativiser les niveaux d’exposition plus élevés pour les enfants à partir de 10 ans. D’autre part, en calculant le PDS médian pour les enfants de 8 à 12 ans, on obtient 66 μGy.m2. Ce PDS médian demeure inférieur au NRD de l’ASP (Abdomen sans préparation) réalisé chez les enfants de 10 ans, qui est de 70 μGy.m2.7 Pour l’étude pré-optimisation des TOGD, quel que soit l’âge des patients, les expositions (Fig. 3) étaient en-dessous des niveaux de références britanniques (Hart et al., 2012), seul un relevé de PDS était au-dessus de la courbe d’extrapolation. Plus précisément, si l’on considère les 11 patients de 1 an (+/− 3 mois) de notre étude, le PDS médian est de 26 μGy.m2, ce qui est largement inférieur au niveau de référence de 60 μGy.m2 de l’étude britannique.

L’optimisation plus marquée pour la cystographie peut être expliquée par plusieurs éléments. Le premier est sans doute le changement de cadence d’image en radiographie cadencée (passage de 1 à 0,5 image par seconde). En effet, nous avions évalué, lors de la première étude sur les cystographies, que la dose due à la graphie représentait 88 % du PDS total à la fin d’un examen. Ensuite, le changement de géométrie de cellule engendre probablement une diminution de l’exposition plus marquée pour la cystographie étant donné que le produit de contraste iodé est beaucoup plus centré dans l’image par rapport à un TOGD.

Les autres paramètres mis en place dans le cadre de l’optimisation ont également contribué à la réduction des doses aussi bien pour la cystographie que le TOGD : le choix de seulement deux programmes anatomiques (qui fixent une tension de graphie et une filtration de tube RX) ainsi que le retrait de la grille anti-diffusante pour les enfants de moins de 4 à 5 mois.

Enfin, la mise en place de NRL par tranche d’âge devrait pérenniser ces niveaux d’exposition post-optimisation. En effet, l’affichage de ces NRL en salle d’examen ainsi qu’une sensibilisation du personnel sont des repères importants dans le suivi des doses. À titre d’exemple, la dose pour un examen réalisé sur un enfant de 2 mois pour lequel la grille anti-diffusante ne serait pas ôtée dépasserait systématiquement le NRL donné pour la tranche d’âge 0 à 4 mois. Aussi, une dérive de la chambre d’ionisation de l’installation radiologique pourrait être mise en évidence rapidement sans attendre que ce défaut soit identifié lors du contrôle de qualité interne réglementaire8. Il faut toutefois noter que la Société européenne de radiologie a récemment publié un rapport nommé « PiDRL »5 (projet supporté par la Commission européenne) concernant les niveaux de référence diagnostiques en imagerie pédiatrique. Dans ce document, il est recommandé d’établir des niveaux de référence avec les tranches d’âges suivantes : de 0 à 1 mois, de 1 mois à 4 ans, et 4 à 10 ans, de 10 à 14 ans et de 14 à 18 ans. Nous n’avons pas pu suivre ces recommandations pour 2 raisons : le nombre d’échantillons trop faible dans les catégories préconisées (sauf pour la tranche de 1 mois à 4 ans) et également pour se rapprocher de notre pratique clinique qui engendre des doses plus homogènes dans les tranches d’âges suivantes : de 0 à 4 mois, de 4 mois à 2 ans et de 2 à 10 ans. Nous avons donc établi nos propres tranches de poids pour évaluer les gains dosimétriques de l’optimisation ainsi que pour la mise en place de nos niveaux de référence locaux.

La base du travail d’optimisation repose avant tout sur une implication de tous les professionnels concernés : le physicien médical, les radiologues, les manipulateurs en électroradiologie et le cadre de santé. Cette collaboration est d’autant plus importante en radiologie pédiatrique du fait de la sensibilité accrue des enfants aux rayonnements ionisants. Il existe peu d’études sur l’optimisation des doses en radiologie en contraste, contrairement aux domaines de la radiologie conventionnelle et scanographie. C’est donc l’un des points forts de notre travail, avec également le nombre de patients inclus : au total 315 patients de pédiatrie, c’est un nombre très important pour un seul établissement. Toutefois, l’un des points faibles de cette étude porte sur l’analyse des images cliniques qui n’a été réalisée que de manière subjective. La mise en place d’une grille d’évaluation basée sur des critères de qualité d’image objective aurait amélioré la pertinence de l’analyse, comme cela a été proposé par la Commission européenne9.

Pour s’assurer de la pérennité de cette optimisation, nous avons intégré ce travail dans le cadre d’une EPP (Évaluation des Pratiques Professionnelle), selon les recommandations de la HAS10, avec comme indicateur, le PDS médian en cystographie et TOGD pour les 3 tranches d’âges déterminées pour nos niveaux de référence locaux. Enfin, nous envisageons d’étendre cette étude à un autre examen assez fréquent en pédiatrie : le lavement avec produit de contraste.

5 Conclusion

Notre démarche d’optimisation des doses a permis des diminutions de doses significatives. Pour les 3 tranches d’âge (0–4 mois, 4–23 mois et 2–10 ans), les PDS médians sont respectivement réduits d’un facteur 6, 2,9 et 2,3 pour la cystographie et de 2,8, 1,4 et 2 pour le TOGD. Ce travail de recherche d’un compromis optimal entre la dose aux patients et la qualité des images radiologiques améliore la radioprotection de nos patients. Aussi, nos recueils dosimétriques pourront éventuellement s’intégrer dans une future étude nationale sur les niveaux d’expositions en pédiatrie.

Références

  • AIEA. 2014. Diagnostic radiology physics – A handbook for teachers and students. Vienna: International Atomic Energy Agency. [Google Scholar]
  • Baysson H, Etard C, Brisse HJ, Bernier MO. 2012. Diagnostic radiation exposure in children and cancer risk: current knowledge and perspectives. Arch. Pediatr. 19(1): 64–73. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  • Dillenseger J-P, Moerschel E. 2009. Guide des technologies de l’imagerie médicale et de la radiothérapie : quand la théorie éclaire la pratique. Issy-les-Moulineaux : Masson. [Google Scholar]
  • Foulquier JN. 2010. Éléments technologiques permettant de réduire la dose en radiologie conventionnelle et numérique. J. Radiol. 91(11-C2) : 1225–1230. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  • Geise RA. 2001. Fluoroscopy: Recording of fluoroscopic images and automatic exposure control. RadioGraphics 21(1): 227–236. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  • Hart D, Hillier M, Shrimpton P. 2012. HPA-CRCE-034: Doses to patients from radiographic and fluoroscopic X-ray imaging procedures in the UK. Health Protection Agency (HPA) 2010 review. Didcot, Oxfordshire: Centre for Radiation, Chemical and Environmental Hazards Chilton. [Google Scholar]
  • Herrmann TL et al. 2012. Best practices in digital radiography (White paper). ASRT - American Society of Radiologic Technologists. Radiol. Technol. 84(1): 83–89. [Google Scholar]
  • Rauch P et al. 2012. Functionality and operation of fluoroscopic automatic brightness control/automatic dose rate control logic in modern cardiovascular and interventional angiography systems: a report of Task Group 125 Radiography/Fluoroscopy Subcommittee, Imaging Physics Committee, Science Council. Med. Phys. 39: 2826–2828. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  • UNSCEAR. 2006. Report: Effects of ionizing radiation – United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation. [Google Scholar]

1

Rapport PRP-HOM N° 2013-3 (IRSN) : exposition des enfants aux rayonnements ionisants liée aux actes diagnostiques en 2010 en France.

2

DIRECTIVE 2013/59/EURATOM DU CONSEIL du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.

3

Décision du 21 novembre 2016 fixant les modalités du contrôle de qualité de certaines installations de radiodiagnostic.

4

Arrêté du 24 octobre 2011 relatif aux niveaux de référence diagnostiques en radiologie et en médecine nucléaire.

5

PiDRL – European Diagnostic Reference Levels for Paediatric Imaging.

6

Study on European Population Doses from Medical Exposure (Dose Datamed 2, DDM2) – DDM2 Project Report Part 2: Diagnostic Reference Levels (DRLs) in Europe.

7

Arrêté du 24 octobre 2011 relatif aux niveaux de référence diagnostiques en radiologie et en médecine nucléaire.

8

Décision du 21 novembre 2016 fixant les modalités du contrôle de qualité de certaines installations de radiodiagnostic.

9

EUR 16261 – European Guidelines on Quality Criteria for Diagnostic Radiographic Images in Paediatrics.

10

HAS – Guide méthodologique : Radioprotection du patient et analyse des pratiques DPC et certification des établissements de santé.

Citation de l’article : Couzon F, Gulyayeva Nsair L, Russel Robillard AS. 2018. Optimisation des doses en radio-pédiatrie lors des cystographies et TOGD. Radioprotection 53(2): 123–131

Liste des tableaux

Tableau 1

PDS médians et nombre de relevés dosimétriques lors des cystographies pédiatriques (études pré et post-optimisation).

Median Dose Area Product (DAP) and number of dose reports for pediatric cystography (study pre and post-optimization).

Tableau 2

PDS médians et nombre de relevés dosimétriques lors des TOGD pédiatriques (études pré et post-optimisation).

Median Dose Area Product (DAP) and number of dose reports for pediatric barium swallows of gastro-esophageal system (study pre and post-optimization).

Tableau 3

Niveaux de référence locaux exprimés en PDS pour les TOGD et cystographies pour 3 tranches d’âge de patient.

Local Diagnostic Reference Levels (using DAP) for barium swallows of gastro-esophageal system and cystography by 3 age group.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Schéma de la mesure de la dose dans l’air à l’entrée d’un fantôme de 12 cm de PMMA contenant un flacon de produit de contraste iodé simulant une vessie en réplétion d’un tiers et de deux tiers lors d’une cystographie.

Diagram of air Kerma measurement at the entrance surface of phantom 12 cm-thick PMMA containing a bottle of iodine contrast agent simulating a bladder in one third and two-thirds repletion during a cystography.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour la cystographie (N = 87). Report des niveaux de référence publiés par la HPA sous forme d’une courbe d’extrapolation.

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at the University Hospital of Saint-Etienne according to the age for cystography (N = 87). Transfer of the Reference levels published by the HPA in the form of a curve of extrapolation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour le TOGD (N = 70). Report des niveaux de référence publiés par la HPA (niveaux de référence du TO, du GD, ainsi que la somme des deux) sous forme de courbes d’extrapolations.

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at the University Hospital of Saint-Etienne according to the age for barium swallows of gastro-esophageal system (N = 70). Transfer of the Reference levels published by the HPA (Reference levels for barium swallow, for barium meal and their sum) in the form of a curve of extrapolation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Doses (Graphie DFR) à l’entrée du fantôme en fonction de l’épaisseur du fantôme pour les 4 programmes anatomiques de cystographie.

Entrance doses (DFR Radiography) according to the phantom thickness for 4 anatomical protocols of cystography.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour la cystographie lors des études pré-optimisation (croix) et post-optimisation (carrés).

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at University Hospital of Saint-Etienne according to the age for cystography during the study pre-optimization (crosses) and post-optimization (squares).

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Répartition des relevés dosimétriques (PDS) des patients du CHUSE en fonction de l’âge pour les TOGD lors des études pré-optimisation (croix) et post-optimisation (carrés).

Distribution of Dose Area Product reports (DAP) for patients at University Hospital of Saint-Etienne according to the age for barium swallow of gastro-esophageal system during the study pre-optimization (crosses) and post-optimization (squares).

Dans le texte

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