Issue |
Radioprotection
Volume 52, Number 3, July-September 2017
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Page(s) | 177 - 187 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/radiopro/2017020 | |
Published online | 04 August 2017 |
Article
Co-contaminations radiologiques et chimiques en situation post-accidentelle : données récentes et perspectives
Internal contamination in post-accidental situations: recent data and perspectives
Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), PRP-HOM/SRBE, laboratoire de radiotoxicologie expérimentale,
BP n o 17,
92262
Fontenay-aux-Roses cedex, France
* Auteur de correspondance : jean-marc.bertho@irsn.fr
Reçu :
9
Mai
2016
Accepté :
30
Juin
2017
Les accidents nucléaires majeurs ont conduit à la contamination de larges surfaces de terres par un mélange de radionucléides. Les populations humaines vivant actuellement sur ces territoires sont potentiellement contaminées par ingestion de radionucléides sur le long terme. Jusqu'à présent, les études se sont focalisées essentiellement sur le césium-137 (137Cs), en cherchant à établir un lien entre le niveau de contamination des territoires, le niveau de contamination interne des populations et les effets biologiques observés. Cependant, des études expérimentales récentes ont montré des effets du 137Cs chez le rongeur différents de ceux observés chez les populations contaminées. De plus, l'étude d'autres radionucléides comme le strontium-90 (90Sr) montre l'induction d'effets biologiques qui pourraient en partie expliquer les observations faites chez l'Homme et attribuées à ce jour au 137Cs. Par ailleurs, les activités industrielles et agricoles conduisent à la dispersion de polluants chimiques dont certains ont des effets toxiques bien décrits. Il en résulte que les études doivent maintenant s'intéresser à des situations d'exposition plus réalistes, avec un mélange de radionucléides et de polluants chimiques. Ceci permettra de compenser le manque de données disponibles sur les effets de mélange, de mieux comprendre les effets sanitaires observés chez les populations vivant dans des zones contaminées et d'améliorer leur protection en situation post-accidentelle.
Abstract
Major nuclear accidents induced the contamination of large areas with a mix of radionuclides. Human populations are currently living in these countries and are potentially contaminated through ingestion of radionuclides on the long term. Until now, most of the studies mainly focused on cesium 137 (137Cs), with the aim of establishing a link between the level of territory contamination, the level of internal contamination of people and the observed health effects. However, recent experimental studies showed that biological effect of 137Cs in rodents differed from the ones observed in humans. Moreover, the study of other radionuclides such as strontium 90 (90Sr) showed the induction of biological effects that may explain observations made in humans and currently attributed to 137Cs. Furthermore, industrial and agricultural activities induce the dispersal of chemical pollutants with well-described toxic effects. Future studies should now deal with realistic exposures using a mix of radionuclides and chemicals. This will compensate for the lack of knowledge about the effects of mixtures and will allow a better understanding of health effects observed in exposed populations and a better protection in post-accidental situation.
Key words: post accident / radionuclides / Cs-137 / Sr-90 / chemical pollutants
© EDP Sciences 2017
1 Introduction
Les accidents nucléaires majeurs (Tchernobyl en avril 1986, Fukushima en mars 2011) ont conduit à des rejets massifs de radionucléides dans l'environnement. Ces relâchements sont composés essentiellement d'éléments très ou moyennement volatils tels que des isotopes de l'iode, du lanthane, du tellure, du césium, du strontium et de gaz rares (xénon principalement) (UNSCEAR, 2011). Cependant, ceux qui suscitent le plus d'intérêt vis-à-vis de la protection des populations contre la contamination interne sont les iodes radioactifs (131I en particulier), les isotopes 134 et 137 du césium (134Cs et 137Cs) et l'isotope 90 du strontium (90Sr). Ceci est dû à leur dispersion rapide qui facilite leur diffusion dans tous les compartiments de l'environnement jusqu'à leur incorporation dans la chaîne alimentaire. Ces radionucléides sont connus pour être principalement radiotoxiques et peu chimiotoxiques, à l'exception de l'iode qui peut induire un blocage de la thyroïde à forte concentration (effet Wolff-Chaikoff ; Leung et Braverman, 2014).
Un autre aspect important de ces isotopes radioactifs est la nécessaire prise en compte de leur demi-vie. Si les iodes radioactifs ont une demi-vie courte (8 jours pour l'131I) conduisant à leur disparition totale de l'environnement en quelques mois, le 137Cs et le 90Sr au contraire ont une demi-vie longue, 30,2 ans et 28,8 ans respectivement. Il en résulte que ces radionucléides intègrent progressivement tous les compartiments de l'environnement : sols, eaux, plantes et animaux. Par conséquent, en situation post-accidentelle (c'est-à-dire après la phase d'urgence et la fin des rejets) (CODIRPA, 2012), ces radionucléides à vie longue sont retrouvés en mélange dans les chaînes alimentaires conduisant à leur ingestion par l'Homme pendant plusieurs dizaines d'années suivant leur rejet.
Un autre aspect rarement pris en compte est que les populations vivant sur les territoires contaminés par les accidents de Tchernobyl comme de Fukushima sont également exposées aux pollutions chimiques. L'économie de la Biélorussie et de l'Ukraine repose encore pour une grande part sur les productions agricoles (42 % de terres agricoles en Biélorussie et 71 % en Ukraine pour l'année 2014) (FAO) utilisant des produits phytosanitaires en quantité importante, et les zones contaminées par l'accident de Fukushima sont essentiellement des terres agricoles. Ceci conduit à la présence de polluants chimiques dans l'alimentation, comme ceci a été démontré pour le territoire français dans la seconde étude alimentaire totale (Traoré et al., 2016). De plus, les études récentes ont mis en évidence des effets biologiques nettement plus importants que prévus à la suite de l'exposition à des mélanges de polluants par comparaison avec les mêmes polluants pris individuellement (Crepet et al., 2013 ; Carvalho et al., 2014). Ainsi, l'étude PERICLES (Crepet et al., 2013) a testé sur deux lignées cellulaires différentes 7 combinaisons de pesticides retrouvés dans différentes catégories de fruits et légumes. Cette étude a montré que certains des mélanges testés (en particulier un mélange contenant de la Dieldrine et un autre contenant du Fludioxonil) présentent une cytotoxicité supérieure à ce qui pouvait être prédit par un effet additif simple. De même, le projet européen RADAR a étudié deux combinaisons de 14 et 19 polluants environnementaux, comportant essentiellement des pesticides (Atrazine, Diuron, etc.) mais aussi du Bisphenol A et différents produits issus de l'industrie. Chaque produit a été testé à la concentration équivalente au standard de qualité environnementale selon les directives européennes, c'est-à-dire à une concentration considérée comme sans effet. Or, cette étude démontre clairement l'apparition d'effets toxiques majeurs sur différents modèles tels que des algues unicellulaires, la daphnie ou encore le développement embryonnaire du poisson zèbre (Carvalho et al., 2014). Or, la gestion de la radioprotection des populations vivant sur les territoires contaminés par les accidents nucléaires majeurs ne prend pas en compte la dimension chimique des pollutions environnementales. Il ne peut donc pas être exclu actuellement que certains des effets sanitaires observés sur les populations soient liés à un mélange de polluants radiologiques et chimiques (effet « cocktail ») et non pas à un radionucléide unique comme le 137Cs.
2 Les voies d'exposition radiologique des populations en situation post-accidentelle
Une estimation de l'UNSCEAR évalue à 5 millions de personnes la population vivant sur les 150 000 km2 les plus contaminés d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie par l'accident de Tchernobyl et à plus de 100 millions de personnes touchées dans une moindre mesure par les retombées de cet accident (UNSCEAR, 2011). Des études conduites entre 2000 et 2003 dans les zones les plus contaminées de Biélorussie, d'Ukraine et de Russie ont montré des niveaux de contamination en 137Cs compris entre 6 et 32 Bq · kg−1 pour les céréales et les pommes de terre, entre 20 et 160 Bq · L−1 pour le lait et allant jusqu'à 700 Bq · kg−1 pour la viande (UNSCEAR, 2011). D'autres populations, plus éloignées de Tchernobyl ont également été touchées. Ainsi, une population nomade d'éleveurs de rennes en Norvège, le peuple Sami, a été également fortement impactée par la contamination au 137Cs au travers de la viande de renne (Strand et al., 1992 ; Skuterud et Thørring, 2012). Il faut également signaler la population vivant sur les rives de la rivière Techa (environ 30 000 personnes) qui a été fortement contaminée par les rejets de l'installation de Mayak dans les années 1950, de façon dominante par le 90Sr (Krestinina et al., 2005 ; Tolstykh et al., 2008). Les populations vivant sur les territoires contaminés par les accidents nucléaires sont donc exposées de façon chronique et à long terme à la fois à une irradiation externe due principalement aux rayonnements gamma émis par la désintégration du 137Cs présent dans l‘environnement et à une contamination interne due principalement à l’ingestion de produits agricoles ou forestiers contaminés. Cependant, cette exposition n'est pas restreinte au seul 137Cs. Quelques études se sont attachées à déterminer le contenu moyen d'un bol alimentaire chez des populations vivant dans les régions les plus contaminées d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie (Cooper et al., 1992 ; De Ruig et van der Struijs, 1992 ; Hoshi et al., 1994 ; Handl et al., 2003). Ces études montrent que ce bol alimentaire contient de 100 à 2000 Bq de 137Cs et de 10 à 100 Bq de 90Sr (Tab. 1), et toutes montrent la présence simultanée de ces deux radionucléides. Le niveau d'ingestion quotidienne varie très fortement, surtout en fonction de la consommation de produits forestiers (champignons, baies sauvages, produits de la chasse). En effet, les champignons sont connus pour concentrer certains polluants environnementaux tels que les métaux lourds et certains radionucléides comme le 137Cs et le 90Sr (Guillen et Baeza, 2014). De même, les animaux qui se nourrissent par fouissage comme les sangliers dans les forêts d'Autriche (Strebl et Tataruch, 2007) ou du sud de l'Allemagne (Semizhon et al., 2009) ou qui se nourrissent de lichens comme les rennes en Norvège (Anttila et al., 2011 ; Rasilainen et Rissanen, 2014) peuvent être fortement contaminés par le 137Cs. De plus, il a été clairement montré que les rongeurs et les chauves-souris vivant dans la zone d'exclusion de Tchernobyl sont contaminés sur le long terme par un mélange de radionucléides, essentiellement 137Cs et 90Sr (Chesser et al., 2000 ; Chesser et al., 2001 ; Gashchak et al., 2010), tout comme les sangliers qui présentent une contamination mixte en 137Cs et en 90Sr et de niveau variable selon les zones de capture autour de Tchernobyl (Gulakov, 2014). Le 134Cs, émetteur gamma comme le 137Cs, fait également partie de ce mélange. Cependant, Il est supposé que les effets sanitaires de ce radionucléide sont semblables à ceux du 137Cs. De plus, sa demi-vie de 2,1 ans fait que sa contribution à l'exposition humaine est limitée dans le temps en comparaison avec le 137Cs. Il en résulte pour l'Homme une variation de la charge corporelle en 137Cs dans des proportions très importantes (Tab. 2). En effet, une étude associant mesure du bol alimentaire et mesure anthroporadiamétrique dans la région de Christinovka (Ukraine) a montré que les valeurs de la charge corporelle de 137Cs étaient comprises entre moins de 100 Bq et plus de 700 kBq (Handl et al., 2003). Cette variabilité a été confirmée par d'autres travaux portant sur des mesures en 137Cs dans des organes à l'autopsie montrant des variations de 30 à 85 Bq · kg−1 dans l'année suivant l'accident de Tchernobyl (Dam et al., 1988). Des résultats similaires, avec des variations importantes dans différents organes, ont également été obtenus dans une série limitée de mesures après autopsie chez des enfants biélorusses (Bandazhevsky, 2003). Cette variabilité a également été retrouvée dans la mesure de la charge en 90Sr parmi la population vivant sur les rives de la rivière Techa (de 0,01 à 58,3 Bq · g−1de 90Sr dans la dentine 60 ans après l'exposition) (Shishkina et al., 2014) ou chez les finlandais exposés (excrétion urinaire de 90Sr de 4,8 à 17 mBq · j−1 en 1999) (Puhakainen et al., 2003).
De plus, comme indiqué précédemment, il faut tenir compte de l'exposition externe due à l'environnement irradiant dans les reconstitutions de dose. Cette exposition a été estimée entre 0,05 et 140 mSv pour la période 1986–2005, pour les 100 millions de personnes vivant sur les territoires considérés comme contaminés par l'accident de Tchernobyl, c'est-à-dire avec une contamination surfacique initiale des sols supérieure à 37 kBq · m−2 (UNSCEAR, 2011). Cependant, il existe des variations importantes selon le lieu de résidence et les habitudes de vie. L'évolution temporelle de la contamination montre que la part relative de l'exposition externe par rapport à l'exposition interne a tendance à diminuer avec le temps (Bernhardsson et al., 2011). La détermination de la nature de cette exposition chronique à long terme à la fois interne et externe et par de multiples radionucléides est essentielle pour la radioprotection des populations.
Estimation de contamination des denrées alimentaires et ingestion quotidienne résultante.
Evaluation of the contamination of foodstuffs and resulting daily ingestion.
Charge corporelle totale en 137Cs mesurée dans différentes études.
Whole body 137Cs content measured in different studies.
3 Effets sanitaires chez les populations exposées à la suite des accidents nucléaires majeurs
En dehors des effets psychologiques très importants liés à la gestion de la phase de rejets, l'accident de Fukushima est encore trop récent pour que les études d'impact sanitaire sur les populations exposées de façon chronique démontrent une augmentation d'incidence de pathologies spécifiques telles que des cancers de la thyroïde (Sugimoto et al., 2013 ; WHO, 2013). De plus, l'exposition à la suite de l'accident de Fukushima est essentiellement une exposition externe en lien avec le dépôt des radionucléides dans l'environnement (WHO, 2012). Ceci est dû au contrôle très strict de toutes les productions agricoles issues des zones contaminées qui a été mis en place par les autorités (Hamada et al., 2012) et qui se traduit par une quasi-absence de contamination interne chez les populations suivies (Tsubokura et al., 2013, 2014, 2015). En revanche, il existe de très nombreuses études sur les effets sanitaires des expositions chroniques liées à l'accident de Tchernobyl et attribuées à l'exposition au 137Cs (UNSCEAR, 2011). Les études épidémiologiques ont rapporté une augmentation de l'incidence des cancers de la thyroïde chez les personnes âgées de moins de 15 ans au moment de l'accident (Cardis et al., 2005) et une augmentation de la fréquence des leucémies chez les personnes âgées de moins de 5 ans au moment de l'accident et ayant reçu une dose d'irradiation supérieure à 10 mSv (Davis et al., 2006). Cependant, ces études épidémiologiques n'ont pas montré d'augmentation de l'apparition de tumeurs solides dans la population générale (UNSCEAR, 2011). Par ailleurs, de nombreuses études décrivent l'apparition de changements dans la physiologie de différents systèmes et organes ou l'apparition de pathologies non cancéreuses en lien avec l'exposition chronique. Au sein de la population générale, c'est parmi les enfants que plusieurs études ont mis en évidence une diminution de la concentration en immunoglobulines circulantes, que ce soit à moyen terme après l'accident de Tchernobyl (Titov et al., 1995) ou à plus long terme (McMahon et al., 2014). Cependant, ces études sont en général réalisées sur une population de taille limitée, et en utilisant les mesures de contamination moyenne des sols pour évaluer l'exposition de la population étudiée. Très peu de ces travaux comportent à la fois une mesure de paramètres biologiques et une mesure anthroporadiamétrique, permettant la corrélation des effets observés avec une contamination interne quantifiée. Récemment, il a été mis en évidence une corrélation directe entre les mesures anthroporadiamétriques et la diminution de l'hémoglobine, du nombre d'érythrocytes et de plaquettes observé sur une population d'enfants de la région de Narodychi (80 km à l'ouest de Tchernobyl). La corrélation avec le niveau de contamination des sols apparait beaucoup plus faible (Lindgren et al., 2015). Cette corrélation faible entre l'effet biologique observé et le niveau de contamination des sols est directement liée à la variabilité de la contamination du bol alimentaire. Ceci montre la nécessité des mesures anthroporadiamétriques dans ce type d'étude. Ainsi, d'autres travaux menés à partir des registres de naissances portant sur les malformations congénitales parmi près de 100 000 naissances a été réalisée dans l'oblast de Rivne (Nord de l'Ukraine) durant la période 2000–2006 (Wertelecki, 2010). Ces travaux montrent une incidence plus élevée des malformations liées à la fermeture du tube neural dans la partie nord de l'oblast, fortement contaminée, en comparaison à la partie sud de l'oblast, peu ou pas contaminée. Cet effet sur le développement du fœtus est associé à la contamination chronique des femmes enceintes par le 137Cs du fait du retour à des pratiques agro-pastorales traditionnelles (récolte de produits forestiers en particulier). Cependant, bien que la corrélation entre la fréquence des malformations du tube neural et les niveaux de contamination des sols par le 137Cs soit élevée, cette première étude ne comporte pas de mesure anthroporadiamétrique de la population, et en particulier des mères, ni d'évaluation de la contamination interne par d'autres radioisotopes (Wertelecki, 2010). Cette étude ne permet donc pas d'attribuer les effets observés directement à la contamination interne par le 137Cs. Plus récemment, cette même équipe a mis en évidence une forte corrélation entre le niveau de contamination de la population et la fréquence élevée des anomalies congénitales (Wertelecki et al., 2016), mais là encore, l'analyse de population limite la portée de cette corrélation. De plus, d'autres facteurs (pollution chimique, consanguinité, déficit en acide folique) pourraient expliquer au moins partiellement l'effet observé sur les malformations congénitales.
L'ensemble des études épidémiologiques réalisées sur des populations exposées aux accidents nucléaires majeurs montre clairement l'existence d'effets cancéreux (Cardis et Hatch, 2011). L'existence d'effets non cancéreux n'a été confirmée pour l'instant que pour les cataractes radio-induites et les effets cardio-vasculaires, que ce soit au travers d'études épidémiologiques chez les liquidateurs exposés essentiellement à une irradiation externe (Ivanov et al., 2006 ; Worgul et al., 2007) ou par le suivi de populations de taille plus restreinte exposée à une contamination interne (McMahon et al., 2014 ; Lindgren et al., 2015). Dans la plupart des cas, le lien est fait avec une exposition globale, incluant exposition externe et contamination interne, à l'exception des iodes radioactifs qui sont clairement responsables des cancers de la thyroïde. Cependant, l'analyse détaillée de ces études montre que la part due à la contamination interne reste difficile à évaluer. Cette revue des données montre qu'il y a de grandes incertitudes sur les effets sanitaires de l'exposition chronique aux faibles concentrations de radionucléides en situation post-accidentelle, et en particulier sur l'attribution de ces effets sanitaires au 137Cs.
4 Effets du 137Cs : études expérimentales
Ces incertitudes ont conduit au développement d'études expérimentales chez différents modèles animaux. Etant donné que le 137Cs est l'un des deux principaux radionucléides (avec les iodes radioactifs) incriminés dans les effets sanitaires observés, c'est ce radionucléide qui a été principalement mis en œuvre. La majorité des études a utilisé un mode d'exposition aiguë, essentiellement par injection de 137Cs. Il a été montré chez le chien l'apparition d'un syndrome hématopoïétique dont le temps d'apparition et la sévérité sont en relation directe avec la quantité de 137Cs injectée (Nikula et al., 1995, 1996). Cependant, dans ces études, les quantités de 137Cs utilisées étaient très élevées, conduisant à des doses absorbées supérieures à 11,8 Gy pour les groupes les plus exposés. Pour des quantités plus faibles de 137Cs (correspondant à une dose absorbée cumulée inférieure à 11,2 Gy sur la vie entière des animaux), ce sont différents types de pathologies malignes (leucémies, hémangiosarcomes, tumeurs rénales) qui ont été observées (Nikula et al., 1995). Les expériences d'exposition chronique sont généralement réalisées par ingestion d'eau de boisson contenant des concentrations connues de radionucléides. Plusieurs études ont été réalisées chez le rat, avec une concentration de 137Cs de 6,5 kBq · L−1, soit une ingestion d'environ 165 Bq · jour−1 (550 Bq · kg−1 · jour−1), ou chez la souris avec une concentration de 20 kBq · L−1, soit une ingestion d'environ 80 Bq · jour−1 (3,2 kBq · kg−1 · jour−1). Les expériences de biocinétique ont montré une répartition hétérogène du 137Cs, avec des variations d'un facteur 10 selon les organes chez le rat (Tourlonias et al., 2010) et d'un facteur 30 chez la souris (Bertho et al., 2010). Cependant, les muscles striés, le cœur et les reins restent les organes accumulant le plus de césium, et du fait de l'énergie du rayonnement gamma émis par la désintégration du 137Cs, la répartition de la dose absorbée reste relativement homogène.
Les effets biologiques observés chez les rongeurs contaminés dans ce modèle restent limités. Une analyse métabolomique sur des échantillons urinaires a permis de montrer l'existence d'une signature discriminante entre les animaux témoins et les animaux contaminés par le 137Cs (Grison et al., 2012). Ceci signifie que l'ingestion chronique de 137Cs sur une période de 9 mois induit une modification du métabolome des animaux exposés pour une dose absorbée cumulée de 4,5 mGy. Ce travail confirme les effets métaboliques du 137Cs observés dans plusieurs études antérieures menées sur le même modèle de rongeur et pour la même exposition montrant des modifications significatives du métabolisme de la vitamine D (Tissandie et al., 2006, 2009), du métabolisme hépatique du cholestérol (Souidi et al., 2006) et du métabolisme des hormones stéroïdiennes (Grignard et al., 2008). Il a également été montré un impact significatif de la contamination chronique par le 137Cs sur la fonction cardiaque, avec une perte du rythme circadien et une diminution de la pression artérielle (Gueguen et al., 2008). Enfin, une modification du cycle veille/sommeil a été démontrée pour ce modèle (Lestaevel et al., 2006, 2008). Cependant, au-delà des effets observés, aucune de ces études n'a montré l'apparition d'une pathologie avérée chez les animaux contaminés. Par ailleurs, des travaux portant sur le développement de la plaque d'athérome dans un modèle de souris prédisposée à l'athérosclérose (souris invalidée pour le gène codant l'apolipoprotéine E) ont montré une évolution au cours du temps des effets, avec l'apparition d'une inflammation transitoire après un mois d'exposition, inflammation qui disparaît après trois mois d'exposition (Le Gallic et al., 2015). Dans les conditions expérimentales de ce modèle, il semble donc que la contamination chronique par le 137Cs n'induise pas d'accélération du développement de la pathologie cardiovasculaire.
Ces résultats expérimentaux ne sont donc pas totalement en accord avec le suivi des populations exposées. En effet, aucune étude n'a mis en évidence l'apparition de troubles cardio-vasculaires en population générale (UNSCEAR, 2011). Les seules pathologies cardio-vasculaires décrites l'ont été chez les liquidateurs exposés essentiellement à une irradiation externe sur une période de quelques semaines à quelques mois (Ivanov et al., 2006). De plus, les nombreux effets sur le système immunitaire décrits chez l'Homme (Yarilin et al., 1993 ; Titov et al., 1995 ; Chumak et al., 2001 ; Kuzmenok et al., 2003 ; McMahon et al., 2014) ne sont pas retrouvés dans les modèles expérimentaux. Ainsi, il a été montré chez la souris, après contamination chronique par le 137Cs, une absence d'effet sur le système hématopoïétique (Bertho et al., 2010) et sur le système immunitaire (Bertho et al., 2011). Il a même été montré une absence de modification de la réponse vaccinale à la toxine tétanique chez des souris contaminées par le 137Cs par rapport à des souris témoins. Bien que la représentativité des modèles animaux soit toujours discutable (différences de métabolisme et représentativité des expositions en particulier), il n'en reste pas moins que les différences existant entre les résultats des études expérimentales et les observations faites chez les populations exposées suggèrent que d'autres paramètres doivent être pris en compte pour la compréhension des effets sanitaires en situation post-accidentelle.
5 Études expérimentales sur le 90Sr
L'un de ces paramètres pourrait être l'exposition au 90Sr. En effet, le 90Sr est également retrouvé dans de nombreux compartiments de l'environnement et par conséquent dans le bol alimentaire des populations vivant sur les territoires contaminés par l'accident de Tchernobyl (Tab. 1). Cependant, l'évaluation de la contamination interne par 90Sr ne peut se faire qu'à partir de mesures sur des excrétions (urines ou fèces) (Puhakainen et al., 2003), exceptionnellement sur des échantillons d'os ou de dents (Shishkina et al., 2014). De plus, la mesure du 90Sr, émetteur bêta, qui nécessite une préparation chimique de l'échantillon, est plus complexe que celle du 137Cs, émetteur gamma. Comme pour la contamination par le 137Cs, les mesures de contamination par le 90Sr montrent une très grande variabilité de l'incorporation parmi la population humaine (Puhakainen et al., 2003 ; Shishkina et al., 2014).
L'impact sanitaire de l'exposition au 90Sr sur les populations humaines a donc été beaucoup moins étudié à la suite de l'accident de Tchernobyl, du fait en partie de ces difficultés de mesure. En revanche, les populations vivant sur les rives de la rivière Techa, fortement contaminée pendant plusieurs années (de 1949 à 1956) à la suite du manque de gestion des rejets de l'installation de Mayak (Tolstykh et al., 2008), ont été exposées à un mélange de radionucléides parmi lesquels le 90Sr était prédominant. Les études épidémiologiques menées sur cette population (environ 30 000 personnes) ont permis de mettre en évidence une augmentation de la mortalité par leucémie et par cancers solides chez les personnes directement exposées entre 1949 et 1956 (Kossenko, 1996 ; Schonfeld et al., 2013). Plus récemment, un lien direct a été fait entre l'augmentation du risque de leucémies et la dose cumulée à la moelle osseuse parmi cette population (Krestinina et al., 2013). Par ailleurs, différentes études ont pu mettre en évidence une atteinte cytogénétique (translocations et chromosomes dicentriques) des lymphocytes du sang périphérique des personnes exposées au 90Sr (Akleyev et al., 1995 ; Bauchinger et al., 1998 ; Vozilova et al., 2013), mais aussi une inhibition partielle de l'hématopoïèse associée à une diminution du nombre de leucocytes et à une modification du phénotype des lymphocytes dans le sang périphérique (Akleyev et al., 2010a, 2010b). Il a également été démontré une diminution du taux de remodelage osseux (Tolstykh et al., 2011). Ces atteintes du tissu osseux et de l'hématopoïèse sont cohérentes avec la bioaccumulation osseuse du 90Sr et l'émission de rayonnement bêta avec un parcours inférieur à 200 μm dans les tissus vivants.
Les résultats expérimentaux obtenus avec le 90Sr sont en accord avec ces observations chez l'Homme. En effet, les études de biocinétique du 90Sr montrent clairement un tropisme osseux : plus de 99 % du 90Sr ingéré s'accumule dans le tissu osseux, où il remplace les atomes de calcium dans les cristaux d'hydroxyapatite. Cette accumulation est cependant dépendante du métabolisme phospho-calcique avec des variations d'accumulation selon l'âge ou le sexe des animaux (Synhaeve et al., 2011 ; Malinovsky et al., 2013) et une accumulation différentielle dans l'os cortical et l'os trabéculaire (Shagina et al., 2003). De plus, les études plus anciennes réalisées dans différents modèles animaux, essentiellement par exposition aiguë, montrent de façon cohérente avec la biolocalisation du 90Sr une atteinte médullaire et osseuse. Ainsi, les travaux menées chez le beagle (Thurman et al., 1971 ; Nilsson et Book, 1987) ont montré l'apparition dose-dépendante d'effets déterministes comme un syndrome aigu d'irradiation avec une atteinte principalement médullaire pour les plus fortes concentrations de 90Sr (Quantité ingérées supérieures à 148 kBq · j−1) et l'apparition d'ostéosarcomes, de leucémies et d'hémangiosarcomes pour les concentrations les plus faibles. Des résultats similaires ont été obtenus chez le minipig (Howard et al., 1969), chez le lapin (Owen et al., 1957) ou chez le rat (Burykina, 1962).
Les études expérimentales de contamination chronique par le 90Sr sont plus rares et sont également anciennes. Celles-ci sont en général réalisées via l'ingestion d'eau ou d'aliments supplémentés avec du 90Sr à différentes concentrations, et parfois sur plusieurs générations (Clarke et al., 1970). De la même façon que pour les expositions aiguës, ces travaux ont montré l'apparition dose-dépendante d'effets déterministes sur le système hématopoïétique, des leucémies et des tumeurs osseuses, que ce soit chez le chien (Dungworth et al., 1969 ; Book et al., 1982 ; White et al., 1993), chez le minipig (Howard et Clarke, 1970 ; Howard et Jannke, 1970) ou chez le rat (Burykina, 1962 ; Hopkins et al., 1966). Plus récemment, une atteinte de la physiologie osseuse a été démontrée chez la souris contaminée via l'ingestion d'eau de boisson contenant 20 kBq · L−1 de 90Sr (soit une ingestion d'environ 3,2 kBq · kg−1 · jour−1) (Synhaeve et al., 2014). Ceci se traduit par une augmentation de l'expression de gènes impliqués dans la résorption osseuse et une diminution de l'expression de gènes impliqués dans la synthèse osseuse. Ceci a été confirmé par la mesure de différentes protéines dans le sérum des animaux exposés au 90Sr. Ces résultats montrent donc une augmentation progressive de la résorption osseuse avec la durée d'exposition. Ces résultats sont en accord avec ceux issus du suivi des populations riveraines de la rivière Techa montrant une diminution du remodelage osseux avec l'âge en fonction de l'exposition au 90Sr (Tolstykh et al., 2011).
De façon plus surprenante, il a été démontré dans un modèle murin avec une exposition par l'ingestion d'eau de boisson contenant 20 kBq · L−1 de 90Sr, une atteinte significative du système immunitaire (Synhaeve et al., 2016). Il a en effet été montré que le nombre de lymphocytes B est légèrement diminué dans la moelle osseuse des animaux contaminés par rapport aux animaux témoins, en absence de stimulation du système immunitaire. De plus, à la suite d'une injection de toxine tétanique, une forte diminution de la réponse immunitaire des animaux contaminés apparait sous la forme d'une diminution de la concentration sérique d'immunoglobulines spécifiques de la toxine tétanique. Cette diminution de la réponse vaccinale est directement associée à un déséquilibre de la balance Th1/Th2 et à une réduction des populations lymphocytaires B dans la rate et dans la moelle osseuse (Synhaeve et al., 2016). Ces résultats sont en accord avec une autre étude, également menée chez la souris, et montrant que l'injection de 200 kBq de 90SrCl2 (soit environ 8 MBq · kg−1) conduit à une apoptose des lymphocytes T et B et à une modification profonde de la régulation de plus de 1000 gènes dont certains sont impliqués dans la différenciation des lymphocytes B (Ghandhi et al., 2015). Or, la différenciation des progéniteurs lymphoïdes B (Zhu et Garrett, 2007) comme la différenciation terminale des lymphocytes B en plasmocyte producteur d'immunoglobulines (Yoshida et al., 2010) se déroule en grande partie dans la moelle osseuse, à proximité du lieu principal d'accumulation du 90Sr, le tissu osseux. De plus, les lymphocytes B sont connus comme étant une population cellulaire particulièrement radiosensible (Uckun et al., 1991 ; Zarybnicka et al., 2013). Cette hypothèse est supportée par une étude récente qui montre l'induction de dommages à l'ADN et de sénescence dans des cellules stromales médullaires lorsqu'elles sont exposées in vitro au 90Sr (Musilli et al., 2017). Ces deux études réalisées par des équipes différentes (Ghandhi et al., 2015 ; Synhaeve et al., 2016) sont donc concordantes sur le fait que la contamination interne par le 90Sr puisse générer des modifications radio-induites significatives dans la physiologie et le fonctionnement du système immunitaire.
Or la majorité des résultats montrant une modification du système immunitaire chez l'Homme attribue cet effet à l'exposition au 137Cs. Cette différence d'interprétation est encore renforcée par le fait que, comme indiqué précédemment, il a été montré chez la souris, dans des conditions d'exposition chronique au 137Cs, une absence d'effet de ce radionucléide sur le système immunitaire (Bertho et al., 2011). La différence entre les résultats obtenus dans les études menées chez l'Homme et les études expérimentales pourrait être liée à la multi-exposition aux nombreux radionucléides rencontrés en situation post-accidentelle. En effet, les rejets accidentels sont complexes de par la multiplicité des radionucléides, la variabilité des quantités rejetées et la variabilité temporelle de l'exposition interne qui en résulte. Même si l'exposition se simplifie à long terme (du fait de la décroissance radioactive) et se résume à quelques radionucléides majoritaires (137Cs et 90Sr pour l'essentiel), il n'en reste pas moins qu'il faut tenir compte de cette exposition multiple dans les études d'effets sanitaires en situation post-accidentelle.
6 Études de mélanges de radionucléides et de polluants chimiques
Il existe très peu d'études combinant plusieurs radionucléides que ce soit en cas d'exposition aiguë ou chronique. La commission internationale de protection radiologique (CIPR) considère l'additivité simple des doses pour la gestion des expositions. Cette considération est en accord avec le fait que la fréquence des effets stochastiques observés est directement proportionnelle à la dose absorbée, c'est-à-dire à la quantité d'énergie déposée par unité de masse de la cible. Cependant, cette considération ne prend pas en compte plusieurs aspects liés à la problématique des contaminations internes et à la complexité des systèmes biologiques. Le premier aspect non pris en compte est la toxicité chimique de certains nucléides. En effet, même si le strontium et le césium sont considérés comme très faiblement chimiotoxiques, il existe cependant des descriptions d'effets biologiques indésirables de ces nucléides. Ainsi, le césium est décrit comme étant capable de bloquer les canaux potassiques dans le tissu cardiaque (Cecchi et al., 1987). Quant au ranelate de strontium, utilisé pour le traitement de l'ostéoporose, il pourrait augmenter les risques de thrombose veineuse et d'infarctus du myocarde aux doses thérapeutiques (Cooper et al., 2014 ; Reginster, 2014). Les concentrations des nucléides stables utilisées dans ces travaux restent malgré tout très supérieures aux concentrations environnementales des radio-isotopes correspondants mesurées à la suite d'un accident nucléaire. Un second aspect est lié aux effets observés aux faibles doses (inférieures à 100 mSv), tels que les effets de voisinage, les effets adaptatifs ou encore l'hormésis (Kadhim et al., 2013 ; Mothersill et Seymour, 2014). Ces effets observés aux faibles doses sont pour l'essentiel non linéaires, c'est-à-dire que leur amplitude varie de façon non linéaire (que ce soit supra- ou infra-linéaire) avec la dose absorbée. Il n'est donc pas exclu que l'effet combiné de la contamination interne à long terme par plusieurs radionucléides à faible concentration conduise à l'apparition d'effets qui ne soient pas simplement additifs, que ces effets soient infra-ou supra-additifs, voire antagonistes.
Les recherches sur les effets biologiques de co-contaminations de radionucléides restent très limitées. Pour l'essentiel, il existe une série de travaux réalisées durant les années 1960 par une équipe japonaise sur 20 générations de souris contaminées via l'eau de boisson (Nishio, 1968 ; Nishio et al., 1968 ; Nishio, 1969 ; Nishio, 1971). Trois groupes de contamination ont été réalisés, avec des concentrations de 14,8 MBq · L−1 de 137Cs et 3,7 MBq · L−1 de 90Sr dans le premier groupe, de 1,48 MBq · L−1 de 137Cs et 0,37 MBq · L−1 de 90Sr dans le deuxième groupe et de 0,148 MBq · L−1 de 137Cs et 0,037 MBq · L−1 de 90Sr dans le troisième groupe. Le rapport de 4/1 entre le 137Cs et le 90Sr a été calqué sur ce qui a été retrouvé dans l'environnement à la suite des essais nucléaires aériens des années 1960 dans les îles du Pacifique. Il a été montré une altération de la durée de vie dans tous les groupes, avec un déficit de reproduction dans le premier groupe tel que l'expérience n'a pu être menée que jusqu'à la 8e génération (Nishio, 1969). Cependant, cette étude ne comporte pas de groupe contaminé par un seul radionucléide, ce qui rend son interprétation impossible quant à de possibles effets autres que simplement additifs des radionucléides. Plus récemment, le suivi des cassures double brin dans les lymphocytes d'animaux exposés par injection soit à du 90Sr soit à du 137Cs montre des cinétiques différentes. La cinétique de la réparation des cassures double brin est plus complexe dans le cas de l'exposition au 90Sr par rapport à la cinétique observée avec le 137Cs (Turner et al., 2015). Bien qu'il n'y ait pas de groupe d'animaux contaminés simultanément par les deux radionucléides, ces résultats suggèrent que l'exposition interne à un mélange de radionucléides pourrait avoir des effets biologiques bien plus complexes que ceux attendus à partir d'une simple additivité des doses absorbées (Turner et al., 2015).
Dans les études de toxicité des polluants chimiques, les effets non additifs de mélanges ont été largement étudiés (Lokke et al., 2013). Par exemple, une étude récente comportant un mélange de 14 ou de 19 polluants, tous utilisés à des concentrations considérées comme sans effet sur l'environnement (c'est-à-dire à la valeur de concentration des normes de qualité environnementale [NQE]), a clairement démontré l'occurrence d'effets biologiques dans différents modèles biologiques, à la fois in vivo (Daphnia magna, Danio rerio, micro-algues et micro-organismes) et in vitro et à des concentrations inférieures aux seuils de toxicité connus pour ces produits (Carvalho et al., 2014). De même, une autre étude portant sur 7 mélanges de 2 à 6 pesticides utilisés dans une combinaison de tests in vitro a montré que les effets observés sont quantitativement très différents de ce qui est attendu en se basant sur les valeurs toxicologiques de référence (VTR) et sur l'effet individuel de chaque polluant aux concentrations testées (Crepet et al., 2013).
Cette revue de la littérature montre clairement le manque de connaissances sur les effets biologiques d'un mélange de radionucléides, alors que l'étude des mélanges de polluants chimiques a clairement montré l'existence d'effets autres que simplement additifs. Or, les activités agricoles qui génèrent une pollution chimique sont une activité économique essentielle pour les territoires de Biélorussie, de Russie et d'Ukraine qui ont été contaminés par l'accident de Tchernobyl, et il en va de même pour les zones contaminées par l'accident de Fukushima. Il est donc fondamental de développer des études sur les effets sanitaires de l'exposition à un mélange de plusieurs radionucléides et de polluants chimiques. A l'appui de cette hypothèse, il faut noter une analyse récente de facteurs pouvant influer sur l'incidence des cancers de la thyroïde induits par les iodes radioactifs dans les régions de Gomel, de Mogilev et de Brest (Biélorussie). Outre la déficience en iode stable et les incertitudes sur l'irradiation externe, cette étude démontre que la pollution des eaux de boisson par des nitrates issus des activités agricoles pourrait constituer un facteur augmentant le risque de cancers de la thyroïde à la suite d'une exposition aux iodes radioactifs (Drozd et al., 2015). Ces résultats sont confortés par le fait que plusieurs études antérieures ont montré une association entre exposition aux nitrates et cancers de la thyroïde chez l'Homme (Tajtakova et al., 2006 ; Gatseva et Argirova, 2008).
7 Conclusion
Il est donc indispensable que, en situation post-accidentelle, cette dimension de multi-pollution radiologique et chimique soit maintenant étudiée, que ce soit pour les aspects de biocinétique et de bioaccumulation ou pour les effets sanitaires. Si l'étude expérimentale des effets sanitaires d'une exposition en situation de pollution multiple reste relativement simple à mettre en œuvre, la multiplicité des contaminants rend l'attribution d'un effet particulier spécifiquement à un polluant donné très difficile, d'autant plus que chacun des polluants peut avoir un mécanisme d'action différent, avec des effets d'interactions importants. De plus, la nature des polluants chimiques à considérer est dépendante du territoire étudié. Dans ce contexte, il semble intéressant d'utiliser notamment des méthodes d'analyse de masse (méthodes « omiques »), qui puissent permettre à la fois de donner une indication des effets biologiques globaux (Grison et al., 2012, 2013), mais aussi une identification des principales voies physiologiques et métaboliques impactées par une telle multi-pollution. La métabolomique, en tant que méthode globale d'analyse des métabolites, semble être une approche de choix car elle permet cette dualité d'analyse, aspect bio-indicateur et aspect analytique. Cette méthode est applicable entre autres sur le plasma et l'urine et de ce fait peut donner une image globale de l'impact sanitaire des multi-pollutions radiologiques et chimiques sur des populations humaines au travers de prélèvements simples à obtenir. Dans un second temps, cette approche peut être complétée par des analyses ciblées de métabolites qui permettront de mieux comprendre les mécanismes d'apparition de ces effets sanitaires. Mais quelles que soient les méthodes d'analyse utilisées, les modèles expérimentaux utilisés en radiotoxicologie doivent maintenant impérativement évoluer vers des études de multi-pollution, comme ceci est actuellement le cas pour les études d'impact des pollutions chimiques complexes (Crepet et al., 2013 ; Carvalho et al., 2014). Ces études seront plus représentatives des situations d'exposition post-accidentelles et devraient permettre l'amélioration de la protection de la santé des populations exposées.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier V. Joffres et S. Barth pour leur assistance administrative et C. Dinocourt, C. Durand, A. Legendre, P. Lestavel et M. Souidi pour les discussions fructueuses et leur lecture critique du manuscrit. Ce travail a été financé par l'IRSN (programme D3P8/1/1).
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Citation de l'article : Musilli S, Tack K, Bertho J-M. 2017. Co-contaminations radiologiques et chimiques en situation post-accidentelle : données récentes et perspectives. Radioprotection 52(3): 177–187
Liste des tableaux
Estimation de contamination des denrées alimentaires et ingestion quotidienne résultante.
Evaluation of the contamination of foodstuffs and resulting daily ingestion.
Charge corporelle totale en 137Cs mesurée dans différentes études.
Whole body 137Cs content measured in different studies.
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