Numéro |
Radioprotection
Volume 57, Numéro 4, October - December 2022
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Page(s) | 273 - 279 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/radiopro/2022036 | |
Publié en ligne | 7 décembre 2022 |
Article
La personne compétente en radioprotection / le conseiller en radioprotection : historique, constats et enjeux
The competent person in radiation protection / The radiation protection advisor: history, statements and issues
1 ACE-RP, Fontenay-aux-Roses, France
2 Université de Caen Normandie, Caen, France
3 CEPN, Fontenay-aux-Roses, France
4 Groupe Institut de Soudure, Corbas, France
5 EDF, Paris, France
6 IRSN, Fontenay-aux-Roses, France
7 APCRAP/CoRPAR, Paris, France
8 Université Paris Descartes, Paris, France
9 CEA/INSTN, Saclay, France
10 APHP Necker, Paris, France
11 Radioprotection Système, Bordeaux, France
12 CEA, Bordeaux, France
13 SDIS Haute Garonne, Colomiers, France
14 CHU Caen, Caen, France
15 OCR Stratégie, Reims, France
* Auteur de correspondance : anne.cordelle@irsn.fr
Reçu :
5
Octobre
2022
Accepté :
11
Octobre
2022
En l’espace d’une cinquantaine d’année, la réglementation a fait de la personne compétente en radioprotection (PCR) l’acteur principal de la radioprotection dans les différents établissements mettant en œuvre des rayonnements ionisants pour assurer la protection des travailleurs – mais aussi depuis peu celle du public – notamment lors de l’utilisation de sources non scellées. La réglementation définit le rôle et les missions de la PCR, précise son articulation avec les autres acteurs et fixe les modalités de sa formation. Les fonctions de la PCR ont par ailleurs sensiblement évolué avec la création des conseillers en radioprotection (CRP). L’objectif de cet article est d’analyser et de comprendre l’évolution historique de la fonction de PCR, exercée actuellement par plus de 10 000 personnes en France, pour mieux en dégager les enjeux de demain.
Abstract
Within fifty years, the regulations have made the person competent in radiation protection (PCR) the main player in radiological protection in the various establishments implementing ionizing radiation to ensure the protection of workers – but also recently that of the public –, in particular when using unsealed sources. The regulations define the role and missions of the PCR, specify its articulation with other players and set the terms of its formation. The functions of the PCR have changed significantly with the creation of radiation protection advisors (CRP), who replace the PCRs. The objective of this article is to analyze and understand the historical evolution of the function of PCR and then that of CRP currently exercised by more than 10 000 people in France, to better identify the challenges of tomorrow.
Mots clés : conseiller en radioprotection / personne compétente en radioprotection / PCR / CRP
Key words: radiation protection advisor, expert, officer / person competent in radiation protection
© SFRP, 2022
1 Introduction
Au cours des dernières années, la prise en compte de la radioprotection, quel que soit le domaine d’exercice (nucléaire, médical, industriel), a été améliorée de façon notable. En conséquence, les doses reçues par les travailleurs ont été sensiblement réduites au cours du temps, ce qu’on peut observer dans le bilan des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France publié chaque année par l’IRSN.
Dans le bilan 2020 (IRSN, 2020), les cas de dépassement des limites annuelles de dose externe sont peu nombreux et se retrouvent en particulier dans les domaines du médical et de l’industrie non nucléaire (cinq cas de dépassement notifiés). À l’opposé, sur les 387 500 personnes bénéficiant d’un suivi dosimétrique individuel, 295 079 présentent des résultats inférieurs à la limite de détection (soit un pourcentage de 76 %) – correspondant à une dose efficace annuelle au maximum de 200 μSv (50 μSv par trimestre). Se pose par ailleurs la question de l’assiduité quant au port des dosimètres à lecture différée et des dosimètres extrémités, en particulier dans le domaine médical. Le nombre de cas avérés de contamination interne reste faible, un seul travailleur ayant présenté en 2020 une dose efficace engagée supérieure aux limites réglementaires. Il apparaît par ailleurs que la plupart des travailleurs concernés par une estimation dosimétrique pour la surveillance de l’exposition interne travaillent dans le domaine du nucléaire, alors qu’une telle estimation ne devrait pas être limitée à ce domaine.
Cette évolution favorable est en grande partie due au rôle joué par les personnes compétentes en radioprotection (PCR) en matière de gestion de la dosimétrie, d’éducation à la radioprotection auprès des travailleurs et de mise en œuvre et du respect des dispositions réglementaires, dont l’objectif est justement de protéger les travailleurs contre les risques liés aux rayonnements ionisants. Les PCR sont devenues les acteurs principaux de la radioprotection dans les différents établissements mettant en œuvre des rayonnements ionisants. Actuellement, plus de 10 000 personnes exercent cette fonction en France, veillant sur près de 400 000 travailleurs utilisant des sources de rayonnements ionisants.
Les PCR regroupent des personnes aux parcours et aux profils variés :
-
pour des installations à très forts enjeux de sûreté et de radioprotection comme les INB ; le législateur a mis en place un système robuste pour assurer ces missions de PCR. Les « pôles de compétences » peuvent ainsi rassembler un grand nombre de personnes, qui exercent leur métier de radioprotectionniste à plein temps ;
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dans le milieu médical ; les PCR sont souvent des manipulateurs en radiologie, des techniciens de médecine nucléaire ou encore des physiciens médicaux qui, dans les grands établissements hospitaliers, exercent souvent leur fonction à temps plein (ce qui n’est pas le cas dans les établissements de plus petite taille) ;
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dans l’industrie non nucléaire ; les PCR sont souvent des ingénieurs, qui couvrent d’autres champs du risque professionnel, ou encore des chercheurs, qui peuvent consacrer de 5 à 20 % de leur temps à la radioprotection ;
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dans les petites structures, comme les cabinets dentaires ou les vétérinaires, n’ont pas besoin d’une personne à demeure et font la plupart du temps appel à des personnes extérieures.
L’évolution historique de la fonction de PCR, devenu en 2018 le conseiller en radioprotection (CRP), est très particulière et spécifique à la France. En effet, les missions accomplies par la PCR se situent entre celles de l’officier de radioprotection (RPO) et l’expert en radioprotection (RPE) de la directive européenne 2013/59/ Euratom du Conseil (Euratom, 2013), où le RPO assure un rôle principalement opérationnel par la mise en œuvre des mesures de prévention sur le site et le RPE est davantage chargé des missions d’expertise et de conseil auprès de l’employeur.
Le but de cet article est d’analyser et de comprendre l’évolution historique de la fonction de PCR qui s’est effectuée en France en avance et en parallèle de la demande européenne. Puis, en se basant sur la situation actuelle, l’article propose des pistes d’amélioration concernant notamment le statut, l’organisation et la formation des PCR, pour mieux en dégager les enjeux de demain.
2 Historique réglementaire
C’est en suivant l’apparition des textes réglementaires successifs qui concernent la formation des PCR que l’on peut comprendre l’évolution et l’organisation de cette profession, dont la mission principale est la radioprotection des travailleurs.
2.1 La personne compétente en radioprotection
2.1.1 L’apparition de la « personne compétente »
En 1967, les pouvoirs publics et les différents acteurs du domaine estiment que l’utilisation grandissante des sources radioactives et des générateurs électriques de rayonnements ionisants, notamment dans le domaine médical, nécessite d’affecter des personnes au domaine de la radioprotection. C’est là qu’apparaît le terme de « personne compétente », dont les missions sont précisées dans le décret n°67-228 (Légifrance, 1967). Il n’est toutefois pas prévu de formation spécifique à la radioprotection pour cet acteur.
Ses principales missions consistent, pour protéger les travailleurs, à assurer la surveillance de la manutention et de l’utilisation des sources radioactives et des générateurs X, à connaître le fonctionnement des appareils utilisés, les dangers présentés par la source et les mesures à prendre pour les prévenir et à être en mesure de prendre les premières mesures d’urgence en cas d’accident.
2.1.2 L’apparition de la « personne compétente en radioprotection »
Il faut attendre 1984, avec la publication de la directive européenne n°84-467 Euratom (Euratom, 1984) et des textes nationaux de transposition qui en découlent, pour que des organismes mettent en place des formations spécifiques à la radioprotection pour cet acteur, qui devient la « personne compétente en radioprotection ».
L’exigence de formation n’est inscrite dans la réglementation française que deux ans plus tard, dans le décret 86-1103 relatif à la radioprotection hors industrie nucléaire (Légifrance, 1986). L’arrêté d’application du 25 novembre 1987 (Légifrance, 1987) définit alors le contenu du programme de formation de la PCR, par secteur d’activité, ainsi qu’un contrôle de connaissances permettant l’obtention d’une attestation de formation. Ces formations sont délivrées par des organismes agréés par arrêté interministériel (travail, santé, agriculture).
2.1.3 La PCR des années 2000
Les années 2000 sont marquées par une succession d’évolutions réglementaires impactant la radioprotection, initiées par la transposition de la Directive Euratom 96/29 Euratom du Conseil (Euratom, 1996). En particulier, l’arrêté du 29 décembre 2003 (Légifrance, 2004) modifie profondément la démarche de formation de la PCR : il instaure une PCR « généraliste », met en place une procédure de certification des formateurs et impose que cette formation soit renouvelée périodiquement, tous les 5 ans.
Dans l’arrêté du 24 novembre 2009 homologuant la décision ASN 2009-DC-0147 (Légifrance, 2009), il est précisé que la PCR est nommée parmi les salariés de l’établissement (en régime d’autorisation), mais il y est introduit la possibilité de recourir à une « PCR externe », selon l’enjeu radiologique. À noter que l’attestation de formation PCR devient un « certificat » de formation.
2.1.4 Les organismes de formation PCR
Des modifications importantes sont ensuite apportées par l’arrêté du 06 décembre 2013 (Légifrance, 2013), qui refond la formation des PCR pour l’adapter « à la nature et à l’ampleur du risque radiologique et aux conditions d’exécution de l’activité ».
La formation se décline en trois niveaux, en fonction des enjeux radiologiques. Pour chaque niveau, des secteurs d’activités sont définis et, pour le niveau 2, les options « sources scellées et générateurs à RX » et « sources non scellées » restent séparées (Tab. 1).
La certification de formateur est remplacée par une certification d’organisme, afin de tenir compte de l’importance des aspects organisationnels et des moyens mis à disposition des stagiaires. La prise en compte de l’exposition à des sources naturelles de rayonnements ionisants se traduit par l’introduction, pour le niveau 1, des activités entraînant une exposition au radon d’origine géologique et de celles à bord des aéronefs.
Les acquis des stagiaires sont évalués selon trois formes de compétences : savoir, savoir-faire et savoir-être. On peut noter que le savoir-être, compétence essentielle de la PCR, a disparu des textes réglementaires ultérieurs.
La montée du niveau de compétences des PCR se traduit par un prérequis de niveau Bac scientifique ou technologique à orientation scientifique depuis 1987 et par une augmentation de la durée des formations pour les niveaux 2 et 3. Les formations passerelles entre niveaux, secteurs et options sont par ailleurs introduites. L’arrêté concernant la formation des PCR passe d’un document de 7 pages en 2005 à un document de 16 pages en 2013.
Détail des 3 niveaux de formation (cf. arrêté du 6 décembre 2013).
2.1.5 Le conseiller en radioprotection
Jusqu’alors, l’organisation de la radioprotection et la désignation de la PCR relevaient uniquement des obligations de l’employeur au regard des dispositions du Code du travail. Depuis le 1er juillet 2018 (Légifrance, 2018a), ces obligations sont maintenues mais, en outre, il est institué en parallèle à la désignation d’un conseiller en radioprotection (CRP) par le responsable de l’activité nucléaire au titre du Code de la santé publique. L’objectif est ici de renforcer les dispositions relatives à la protection du public et de l’environnement.
Ce conseiller est, selon l’article R4451-112, soit une personne physique dénommée « personne compétente en radioprotection » (PCR), salariée de l’établissement, ou, en son absence, un « organisme compétent en radioprotection » (OCR).
Dans un établissement comprenant une installation nucléaire de base (INB), l’employeur constitue un pôle de compétences en radioprotection (PoCR), chargé de le conseiller en matière de radioprotection (Légifrance, 2021a).
2.2 Les formations réglementaires certifiées de « conseiller en radioprotection »
L’arrêté du 18 décembre 2019 (Légifrance, 2019b), modifié par l’arrêté du 12 novembre 2021 (Légifrance, 2021b), fixe de nouvelles règles de formation du conseiller en radioprotection. Il est complété par un « Questions-Réponses » de la Direction générale du travail (DGT) du ministère en charge du travail, évolutif et toujours en vigueur à ce jour.
Pour être désigné « conseiller en radioprotection » est requis :
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pour la PCR, un certificat de formation délivré par un organisme de formation, lui-même certifié par un organisme certificateur accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC) (ou par tout autre organisme mentionné à l’article R. 4724-1 du Code du travail) ;
-
pour l’OCR, une certification délivrée par un organisme certificateur, accrédité par le COFRAC (ou par tout autre organisme mentionné à l’article R. 4724-1 du Code du travail).
La formation PCR a pour objet d’apporter aux candidats les fondements techniques et réglementaires nécessaires à l’exercice des missions du conseiller en radioprotection. À travers ses niveaux, secteurs et options, elle est adaptée à la nature et à l’ampleur du risque radiologique, ainsi qu’aux conditions de réalisation de l’activité. Elle est déclinée suivant deux formes de compétences, savoir et savoir-faire, adaptées à l’environnement de travail et aux risques associés.
Le certificat est délivré selon deux niveaux, définis en fonction des enjeux des activités mises en œuvre et répondant ainsi à une approche graduée du risque :
-
le niveau 1, décliné en deux secteurs « rayonnements d’origine artificielle » (par exemple, pour la détention et l’utilisation d’appareils à fluorescence X) et « rayonnements d’origine naturelle » (par exemple, en cas de présence de radon) ;
-
le niveau 2, nécessaire pour toutes les activités ne relevant pas du niveau 1, décliné en deux secteurs « médical » et « industrie ». Le secteur « médical » est décliné selon deux options « sources scellées » (incluant les appareils électriques émettant des rayonnements ionisants et les accélérateurs de particules) et « sources non scellées ». Le secteur « industrie » est décliné selon trois options « sources scellées », « sources non scellées » et « nucléaire », qui recouvre les activités réalisées par les entreprises extérieures au sein d’une installation nucléaire de base. La validation de l’option « nucléaire » par l’obtention du certificat correspondant est conditionnée par la validation au préalable des deux options précédentes.
Il existe également une formation renforcée, visant à approfondir les compétences en matière de réglementation, de métrologie, de conception des installations, d’étude d’impact environnemental et de management de la qualité : la validation de cette formation est exigée pour exercer les fonctions de conseiller en radioprotection nommément désigné pour un tiers au sein d’un organisme compétent en radioprotection.
Il convient de noter que le nombre d’heures de formation associé est inférieur à ce qui est demandé actuellement dans les documents internationaux relatifs à la reconnaissance d’expert en radioprotection (au moins 250 h), y compris en incluant la formation renforcée. Les niveaux associés à la « personne compétente en radioprotection », sa qualification ainsi que ses missions, la situent finalement entre l’officier de radioprotection (RPO) et l’expert en radioprotection (RPE) de la directive européenne 2013/59/Euratom (Euratom, 2013).
L’instauration de la formation renforcée en sus du niveau 2 vise à tendre vers ce niveau d’expertise RPE.
2.3 Les missions exercées par le « conseiller en radioprotection »
Dans le cadre des évolutions réglementaires de 2018, on constate que les missions exercées par le CRP sont désormais déclinées dans le Code du travail mais aussi, en particulier pour ceux qui utilisent des sources non scellées, dans le Code de la santé publique. Ces missions se sont par ailleurs développées avec le temps (cf. articles R. 4451-123 du Code du travail et R. 1333-19 du Code de la santé publique) et le cadre juridique s’est largement complexifié.
Le conseiller en radioprotection intervient dans de nombreux domaines et est désormais en charge de l’exécution (ou de la supervision) des mesurages, auparavant réalisés par les organismes agréés.
Il convient par ailleurs de noter que, parmi les activités réalisées au sein des entreprises, un travail très important est demandé sur le plan documentaire, la plupart de ces éléments devant être consignés sous une forme en permettant la consultation pendant une période d’au moins 10 ans.
3 Perspectives et pistes d’amélioration
Malgré une « situation globalement satisfaisante » constatée dans la plupart des bilans réalisés par l’Autorité de sûreté nucléaire, il est indéniable qu’il reste des pistes d’amélioration notables. Étant « de notre devoir et notre responsabilité d’essayer d’indiquer quelles sont les questions critiques » (Bourguignon, 2021), celles qui nous ont paru les plus importantes sont présentées ci-après.
3.1 Définition d’un statut pour les acteurs de la radioprotection
Comme déjà souligné, la majorité des PCR ne sont pas des acteurs à temps plein de la radioprotection. Compte tenu des missions actuellement dévolues à la PCR en poste dans un établissement, les structures à forts enjeux radiologiques détenant et utilisant de nombreuses sources et/ou appareils émettant des rayonnements ionisants devraient pouvoir compter sur des personnes possédant une formation initiale et dont la radioprotection est l’activité principale (voire exclusive), et non pas simplement une fonction parmi d’autres – ce qui permettrait par ailleurs une reconnaissance de leurs activités.
Cela devrait être le cas en particulier dans les grands établissements de santé, dont les plateaux techniques sont particulièrement étendus (services de radiothérapie, de médecine nucléaire, de cardiologie interventionnelle, de scanographie, de radiologie conventionnelle…) et pour lesquels le nombre de personnes potentiellement exposées est important (travailleurs, patients, public) – ce dernier point étant souligné dans son éditorial du numéro 2 de 2022 de Radioprotection par le rédacteur en chef « la médecine est un domaine majeur d’exposition aux rayonnements ionisants avec des enjeux de radioprotection importants pour les patients » (Bourguignon, 2022).
Devant le constat fréquent sur le terrain du manque de moyens, du défaut de reconnaissance et de démission des acteurs, une évolution pourrait donc être de définir un véritable statut pour ces acteurs.
3.2 Mise en place de référents radioprotection en matière de risques liés au radon
Un point d’évolution notable de la réglementation, à prendre en compte par tous aujourd’hui aussi bien dans le cadre du Code du travail que dans les établissements recevant du public (voire dans la sphère privée), est l’exposition naturelle due au radon.
Dans l’arrêté du 20 février 2019 (Légifrance, 2019a) relatif aux informations et aux recommandations sanitaires à diffuser à la population en vue de prévenir les effets d’une exposition au radon dans les immeubles bâtis, il est indiqué dans l’annexe relative aux messages d’information et de recommandations sanitaires à destination des personnes exposées au radon que « Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le radon comme cancérigène certain pour le poumon en 1987. À long terme, l’inhalation de radon conduit à augmenter le risque de développer un cancer du poumon. Cette augmentation est proportionnelle à l’exposition cumulée tout au long de sa vie. En France, le radon est la seconde cause de cancer du poumon (environ 3000 morts par an), derrière le tabagisme. L’exposition à la fois au radon et au tabac augmente de façon majeure le risque de développer un cancer du poumon. » (Légifrance, 2019a)
Ce point requiert par conséquent la formation de personnes réellement compétentes sur ces sujets, et pas uniquement dans les entreprises du domaine de l’industrie utilisant des sources radioactives, des générateurs de rayonnements, voire détenant des matériaux présentant une radioactivité naturelle.
Il s’agit là d’actions supplémentaires concernant l’exposition naturelle à réaliser par rapport aux anciennes dispositions qui les prévoyaient, mais de manière moins explicite.
3.3 Organisation de la radioprotection sous des formes mutualisées
Le besoin objectif et l’aspiration à des formes mutualisées de l’organisation de la radioprotection est grand, tant pour sortir les PCR de l’isolement que pour assurer une permanence de la radioprotection sur les sites à enjeux radiologiques.
En réponse, une organisation de la radioprotection a été imaginée au sein du GT-EURATOM (adossé à la commission spécialisée n°2 du Conseil d’orientation des conditions de travail [COCT] mis en place par le ministère chargé du travail). Il s’agirait de concevoir des « OCR non commerciaux » permettant une vraie mutualisation de ressources humaines, de compétences et de moyens matériels au profit de l’ensemble des établissements concernés.
Pour des regroupements territoriaux d’établissements hospitaliers, mais aussi pour des établissements de recherche multi-employeurs (universités, INSERM, CNRS, INRA…), les dispositions réglementaires actuelles permettraient donc, sur la base du volontariat, de mettre en place un OCR non commercial.
Une autre solution serait de s’inspirer des démarches de mutualisation de services en cours au sein des regroupements hospitaliers territoriaux. Un service compétent en radioprotection (SCR) couvrant l’ensemble des établissements concernés pourrait être constitué sur la base d’une convention précisant les responsabilités, rôles, missions et obligations de chaque entité (notamment pour les moyens affectés).
Pour chacune de ces options, il serait profitable de pouvoir adapter les exigences pour la certification de tels OCR non commerciaux ou SCR sous convention.
3.4 Compétences des organismes de certification et des auditeurs
Après la mise en place du processus de certification des organismes de formation et des OCR, nous constatons une hétérogénéité des exigences des organismes certificateurs et de la mise en œuvre des contrôles par les auditeurs, amenés à analyser les documents.
À tel point que dans l’arrêté du 12 novembre 2021 (Légifrance, 2021b) modifiant l’arrêté du 18 décembre 2019 relatif aux modalités de formation de la personne compétente en radioprotection et de certification des organismes de formation et des organismes compétents en radioprotection, les autorités ont augmenté les exigences vis-à-vis de ces auditeurs (cf. annexes 4 et 7 sur les exigences relatives à la qualification des auditeurs des organismes de certification).
L’attention des organismes de certification devrait en priorité porter sur le contenu des formations, la compétence des formateurs et le matériel dont ils disposent pour dispenser une formation de qualité.
Une évolution à apporter pourrait être d’envisager une évaluation nationale des auditeurs travaillant pour le compte des organismes certificateurs.
3.5 Qualité des formations PCR existantes
En novembre 2010 était publié le rapport d’un groupe de travail « GT-PCR » mandaté par l’ASN et la DGT pour formuler des propositions concernant les évolutions des fonctions et de la formation des PCR (GT-PCR, 2010). Un des points notables issu de l’enquête du GT-PCR était la grande hétérogénéité en termes de qualité des formations PCR existantes.
Les arrêtés formation PCR de décembre 2013 (Légifrance, 2013) et plus encore de décembre 2019 (Légifrance, 2019b) ont alors renforcé les exigences en matière de compétences et de moyens, afin que soit mis en œuvre un module permettant de répondre aux exigences opérationnelles à remplir par les PCR. Malgré ces efforts, il apparaît que des disparités subsistent dans les contenus de formation et l’évaluation des connaissances et compétences – elles sont notamment observées lors des formations de renouvellement. La plus grande vigilance de tous est indispensable et les signalements de telles dérives devraient être systématiquement remontés auprès des autorités compétentes.
Une évolution pourrait être d’envisager une évaluation nationale, en particulier pour les personnes ayant suivi une formation renforcée (pour rappel, obligatoire pour celles et ceux qui vont assurer la radioprotection pour un tiers) – ce qui pourrait être pratiquement imposé à la suite des lois de 2018 (Légifrance, 2018b) et de 2021 (Légifrance, 2021c). Il est à noter que des évaluations nationales existent déjà en France pour le Certificat d’aptitude à manipuler les appareils de radiographie industrielle (CAMARI) et pour la formation de conseiller sécurité transport (CST).
3.6 Formation des médecins du travail
Un point qui sera abordé prochainement au sein du nouveau Groupe permanent d’experts en radioprotection de l’ASN (GPRP) est la formation à la radioprotection des médecins du travail en charge du suivi du personnel exposé, ce qui devrait permettre l’amélioration du dialogue entre le médecin du travail et le conseiller en radioprotection. L’importance d’une « relation forte entre ces deux acteurs » a d’ailleurs été soulignée par de nombreux auteurs (Bizet, 2008).
4 Conclusion
Depuis sa création, la PCR est devenue un acteur essentiel de la radioprotection dans les établissements en France. Ses missions ont été renforcées au fur et à mesure des évolutions réglementaires – récemment, la protection du public et de l’environnement sont entrés dans son champ d’action. Il est temps maintenant d’envisager la définition d’un statut pour cet acteur qui n’est actuellement défini que par les missions qu’il exerce, afin de renforcer sa reconnaissance, de maintenir le niveau de protection des travailleurs et de lui permettre de contribuer à la protection du public et de l’environnement.
Conflict of interest
The authors declare that they have no conflict of interest.
Funding
This research did not receive any specific funding.
Ethical approval
Ethical approval was not required.
Informed consent
This article does not contain any studies involving human objects.
Authors contribution
M. Ammerich: Writing original draft; P. Barbey: Writing original draft; A. Cordelle: Writing-reviewing and editing; Others: supervision.
Références
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Citation de l’article : Ammerich M, Barbey P, Beltrami L-A, Bergeron C, Bourdeloie R, Cordelle A, Guérin C, Le Denmat D, Legrand L, Luccioni C, Ménéchal P, Mora S, Prieto D, Romane P, Sans P, Tancray Y, Tourneux C, Trin J, Vidal J-P. 2022. La personne compétente en radioprotection / le conseiller en radioprotection : historique, constats et enjeux. Radioprotection 57(4): 273–279
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