Issue |
Radioprotection
Volume 31, Number 2, April-June 1996
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Page(s) | 155 - 191 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/radiopro/1996013 | |
Published online | 30 April 2009 |
Effets cancérogènes des faibles doses du rayonnement ionisant
Directeur honoraire de l'Institut Gustave Roussy, Membre de l'Académie des Sciences et de l'Académie de Médecine, Centre Antoine Béclère, Faculté de Médecine, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France
Reçu :
8
Décembre
1995
Accepté :
27
Février
1996
Les enquêtes épidémiologiques, même celles portant sur plusieurs dizaines de milliers de sujets (comme chez les survivants d'Hiroshima et Nagasaki) ne décèlent pas d'effet cancérogène chez l'enfant ou l'homme adulte pour des doses inférieures à 200 mSv en irradiation aiguë ou 500 mSv en irradiation à faible débit. Alors que la dose due au rayonnement naturel varie entre 1,5 et 6 mSv et même parfois davantage, les enquêtes n'ont pas pu déceler de variation dans la fréquence des cancers en fonction de cette irradiation naturelle. Ces résultats ne permettent pas d'exclure l'hypothèse d'un effet cancérogène des faibles doses mais permettent de fixer la limite supérieure de l'effet éventuel dans cette gamme de dose. Pour estimer celui-ci on se fonde donc généralement sur les effets observés à dose élevée en effectuant une extrapolation vers les doses faibles. En 1990 le CIPR a révisé à la hausse l'évaluation de l'effet cancérogène à dose élevée, principalement à cause de l'introduction d'un modèle mathématique destiné à estimer l'effet cancérogène jusqu'à la fin de l'existence des personnes irradiées. Le modèle utilisé admet que l'irradiation introduit un facteur multiplicatif constant jusqu'au décès. Des résultats récents montrent qu'en réalité cet effet diminue avec le temps donc que cette hypothèse entraîne une surestimation du risque. Pour estimer les effets à dose faible le CIPR procède à une extrapolation linéaire assortie d'un facteur de réduction égal à deux. L'intérêt de cette méthode est d'indiquer la limite supérieure du risque mais elle peut surestimer notablement celui-ci à faible dose. En effet cette proportionnalité de l'effet avec la dose même pour les doses et les débits de dose les plus faibles implique deux postulats : 1) l'efficacité de la réparation des lésions de l'ADN dans les cellules ne varie pas avec la dose et le débit de dose. 2) la traversée d'une seule cellule par une seule particule entraîne un risque de transformation cancérogène. Si ces hypothèses étaient exactes le débit de dose ne devrait pas avoir d'influence pour les doses faibles mais ce n'est pas ce que montrent les données expérimentales. De plus les récents progrès faits dans l'étude des systèmes de réparation de l'ADN montrent qu'après de fortes doses ceux-ci peuvent être saturés et des systèmes de réparation moins fidèles être mis en œuvre. D'autre part la cancérogenèse est un phénomène très complexe qui requiert plusieurs lésions indépendantes du génome qu'une seule particule est incapable de provoquer. D'ailleurs pour les particules déterminant la plus forte densité d'ionisation le long de la trajectoire de la particule (particules alpha) qui sont celles pour lesquelles il serait concevable qu'une seule particule détermine plusieurs lésions, aucun effet cancérogène n'est observé pour des doses faibles en opposition avec les conclusions de ce modèle. Ainsi l'effet cancérogène des faibles doses pourrait être notablement inférieur à celui qui avait été estimé en 1991. L'avancée rapide des connaissances tant pour les mécanismes fondamentaux que pour les enquêtes épidémiologiques fait espérer que l'estimation du risque des faibles doses pourra dans les prochaines années être de plus en plus précise. Il est d'autant plus légitime de ne pas se hâter pour modifier les normes que moins de 1 % des travailleurs reçoivent actuellement une dose supérieure à la limite de dose annuelle actuellement proposée et que dans l'enquête du CIRC moins de 1 pour 1 000 des 90 000 travailleurs de l'industrie nucléaire étudiés n'avaient reçu au cours de leur vie professionnelle une dose avoisinant 1 Sv, dose limite-vie proposée à la fois dans les rapports de l'Académie des Sciences et du CIPR.
Abstract
Epidemiological studies, even those performed on tens of thousands of subjects (such as Hiroshima and Nagasaki survivors), have not produced evidence of a carcinogenic effect in children or adult individuals for doses lower than 200 mSv in acute irradiation or 500 mSv in low dose-rate irradiation. Even though doses due to natural irradiation vary between 1.5 and 6 mSv per year, and sometimes more, studies have been unable to detect variations in the incidence of cancers as a function of this background irradiation. These results do not permit the exclusion of the hypothesis of the carcinogenic effect of low doses, but they show that the value of the eventual carcinogenic effect in this range of dose should be small and within the limit of the error bars of these studies. Estimations usually are made based on the effects observed at high doses which are extrapolated to low doses. In 1990 the ICRP revised upward the evaluation of the carcinogenic effect at high doses, principally because of the introduction of a mathematical model aimed at estimating the carcinogenic, effect until the end of the irradiated individuals’ existence. This model assumes that irradiation introduces a constant multiplying factor until the end of existence. Recent results have shown that in fact the effect decreases over time and that therefore this hypothesis leads to an overestimation of risk. To estimate low dose effects, the ICRP uses a linear extrapolation associated with a dose-rate reduction factor which has been chosen equal to two. This method indicates the highest limit of risk, but it may overestimate the risk at low doses. This proportionality of the effect with the dose, even for the lowest doses and dose-rates, which is implicitly based on the linear quadratic model leads to two assumptions: 1) the efficacy of DNA repair in cells does not vary with the dose and the dose-rate; 2) a single physical event in a single cell crossed by a single particle may induce carcinogenesis. If these assumptions were correct, the dose-rate should not have an influence within the low doses range; however, this is not upheld by experimental data. Moreover, the recent progress made in the study of DNA repair systems has shown that after high doses these systems can become saturated and that systems which are more error prone are activated. Furthermore, carcinogenesis is a very complex phenomenon that requires several independent lesions of the genome that a single particle is incapable of inducing. For particles determining the greatest density of ionization along the path of particles (alpha particles), which are those for which it would be conceivable that one particle determines several irreparable lesions, no carcinogenic effect has been observed for low doses in opposition with the assumptions of this model. Therefore the carcinogenic effect of low doses could be markedly lower than what was estimated in 1991. Rapid advances in the understanding of fundamental mechanisms and epidemiological studies give rise to hopes that the estimation of risk of low doses will become more and more precise in the next few years. There is no urgency for introducing new regulations since only 1 % of workers currently receive a dose higher than the annual dose limit presently proposed. Moreover, in a recent study by IARC, less than 1 for 1,000 of the 90,000 nuclear industry workers studied had received during their professional life a dose approaching 1 Sv, which is the life dose limit proposed in both the reports of 1989 and 1995 of the French Academy of Science and the ICRP.
© EDP Sciences, 1996
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