Free Access
Issue
Radioprotection
Volume 54, Number 4, October-December 2019
Page(s) 239 - 240
DOI https://doi.org/10.1051/radiopro/2019044
Published online 23 December 2019

Entré au CEA en 1957 à l’âge de 30 ans, dans le service du docteur Dr Henri Jammet, chef du Service d’Hygiène Atomique et de Radiopathologie (SHARP), Jacques Lafuma a été très vite confronté aux suites de l’accident de criticité de Vinca en Yougoslavie, le 15 octobre 1958.

Ceux qui l’ont côtoyé à l’époque le décrivent comme un jeune chercheur plein d’ardeur, personnage attachant et contestataire. D’autres emploieront d’autres termes et diront de lui qu’il aimait la provocation constructive, la recherche de l’angle d’attaque imprévu d’un sujet de recherche.

Quelques années plus tard, ce fut l’accident de contamination par du plutonium, le 26 juin 1962 à Fontenay-aux-Roses. Avec Henri Jammet et le médecin du travail Pierre Le Guen, il fallut improviser, et là encore il montra son pragmatisme qui permit de traiter dans les meilleures conditions celui qui reste le travailleur du monde occidental le plus contaminé. Compte tenu de la quantité incorporée, la question de l’amputation se posa, mais il s’y opposa en se basant d’une part sur l’efficacité thérapeutique du DTPA et sur ce qu’il subodorait de la toxicité réelle du plutonium. Bien lui en prit. Cet homme est toujours vivant et vit normalement tout près de Fontenay-aux-Roses. C’est aujourd’hui encore la doctrine en cas d’un tel accident.

Il donnait un rôle important à la médecine du travail et travailla tout particulièrement sur la contamination interne, que ce soit par le strontium, les terres rares ou les actinides. Tous ces ostéotropes le conduiront plus particulièrement à étudier les effets sur l’ostéogenèse et ses pathologies. La contamination respiratoire est cependant la voie majeure en milieu professionnel et le fonctionnement de l’épuration pulmonaire était encore un mécanisme mal connu. Partant de ce constat, il établit une collaboration soutenue avec les scientifiques des charbonnages de France pour en établir les bases nécessaires à la modélisation du calcul de dose. Mais si la contamination interne le passionnait, il n’oubliait pas l’irradiation externe notamment avec les brûlures radiologiques étudiées au laboratoire de Jouy en Josas sur un site de l’INRA.

On rencontrait dans son équipe en plus des chercheurs du CEA de nombreux chercheurs extérieurs, tels des membres du service de santé des armées, des chercheurs européens dans le cadre d’un accord Euratom et de l’AIEA. Il a eu le souci permanent d’ouvrir ses laboratoires à la recherche médicale ; ainsi se côtoyaient dans son équipe des chercheurs des hôpitaux Necker, Laennec, Saint Antoine, Créteil, etc…

Réussir à diriger ces chercheurs d’origines diverses fut l’un de ses plus grands succès.

Jacques Lafuma se fit très vite le chantre de la dosimétrie simplifiée, s’opposant aux modèles dosimétriques sophistiqués et compliqués n’apportant pas vraiment d’aide décisive aux médecins du travail. Son sens de la simplification leur était une vraie aide. Dans le même état d’esprit il s’opposa également, contrairement aux idées reçues de l’époque, à la notion du point chaud qui faisait fureur aux États Unis. Sur la base d’une analyse comparée des résultats acquis avec les actinides, il montra que la toxicité pulmonaire des actinides était plus grande pour les composés solubles (nitrate de curium par exemple) que pour les composés insolubles tel l’oxyde de 239Pu à irradiation égale. Les américains englués dans leurs controverses lui en furent reconnaissants. C’était un ami de l’équipe américaine de Richland. Et son chef, William J. Bair parlait de lui avec grande admiration et le considérait comme un ami. Une fois de plus, il montrait que la France était l’égale des experts américains.

Jacques Lafuma fut également très vite convaincu de la nécessité d’étudier la toxicité du radon. Avec deux médecins du travail, Jean Chameaud et Roger Perraud de l’ancienne COGEMA, il monta un laboratoire sur le site minier de la Crouzille et obtint le premier la reproduction expérimentale du cancer du poumon par inhalation de radon chez l’animal. Là, il eut comme seul partenaire le laboratoire américain Battelle de Richland qui confirma l’observation et maintint une collaboration assidue entre les 2 laboratoires pendant plus de vingt ans.

La créativité de Lafuma ne s’arrêta pas là. S’appuyant sur l’extrême flexibilité d’un réacteur de recherche sur la criticité de Valduc, le réacteur Silène, il aborda également des études du pouvoir cancérogène des neutrons et de la variabilité de l’EBR en fonction de la dose, du débit de dose.

Notons enfin que Jacques Lafuma fut président de la SFRP de 1989 à 1991.

Tels étaient quelques points de la très riche carrière de Jacques Lafuma. Tous les membres de son équipe pleurent aujourd’hui un « père ».

Citation de l’article : Métivier H, Masse R. 2019. Hommage à Jacques Lafuma (1927–2019). Radioprotection 54(4): 239–240


© SFRP, 2019

Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.

Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.

Initial download of the metrics may take a while.