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[https://doi.org/10.1051/radiopro/2018013]


Issue
Radioprotection
Volume 53, Number 2, April-June 2018
Page(s) 95 - 96
DOI https://doi.org/10.1051/radiopro/2018018
Published online 16 May 2018

Dans ce numéro de Radioprotection, Marie Kerveillant présente les principaux résultats de la thèse en gestion qu’elle a soutenue en avril 2017. Son article (Kerveillant, 2018) traite du rôle du public dans la régulation des risques nucléaires, mais le propos peut s’appliquer à toutes les activités à risques, qu’il s’agisse de risques d’accident ou de risques chroniques.

Dans le domaine nucléaire, l’importance du public est reconnue par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (Loi TSN, 2016) qui définit que : « Toute personne a le droit [….] d’être informée sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l’environnement, et sur les rejets d’effluents des installations ». Elle définit également que : « Auprès de tout site comprenant une ou plusieurs installations nucléaires de base […] est instituée une commission locale d’information chargée d’une mission générale de suivi, d’information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d’impact des activités nucléaires sur les personnes et l’environnement ».

L’intérêt de la recherche de Marie Kerveillant est d’interroger ces principes à travers une étude minutieuse de leur mise en œuvre, puisqu’elle a étudié l’activité d’une CLI pendant plusieurs mois, observant certaines réunions et menant des entretiens avec la plupart des acteurs concernés. Cette approche a produit des réflexions et résultats qui aident à penser le rôle du public dans la régulation des risques.

Premièrement, arrêtons-nous sur la notion d’« accountability » qui permet de préciser la signification de l’obligation d’information du public sur les risques. Cette notion caractérise la nature de l’information diffusée puisqu’il s’agit, pour les organisations et institutions dont l’activité est en lien avec des risques pour l’environnement et les populations, de rendre des comptes sur la manière dont ces risques sont traités. L’hypothèse avancée par Marie Kerveillant est également que, pour que les comptes soient effectivement rendus, il est nécessaire qu’ils répondent aux attentes du public, ce qui exige que leur contenu soit défini conjointement par l’organisation concernée (accounter) et par le public (accountee) qui demande des comptes.

La question qui se pose alors est celle des modalités de cette co-construction. L’auteure mobilise les notions d’« enquête » et de « communauté d’enquête » développées par le philosophe pragmatiste John Dewey (Dewey, 2013). Selon Dewey, l’enquête associe accounter et accountees dans un processus où chacun accepte qu’il n’y ait pas de certitude préétablie, que toute question soit donc recevable. L’enquête suppose un recueil de données permettant de construire « a plausible account of the situation » et non pas une vérité définitive. La recherche menée par Marie Kerveillant auprès des CLI montre qu’il reste encore des progrès à réaliser pour que celles-ci deviennent effectivement des « communautés d’enquête ». Or, cette implication du public apparaît comme une condition nécessaire au maintien de l’existence de celui-ci dans la durée.

La recherche développe également l’hypothèse que la participation du public entraîne une évolution de la régulation des risques, la faisant passer d’un mode centralisé à un mode pluraliste. Cette évolution n’est pas sans conséquences pour les acteurs « historiques » de la régulation (autorité de sûreté et expert institutionnel). Les salariés de ces institutions sont notamment confrontés à des difficultés pour définir de manière précise l’objectif de leurs relations avec le public, et plus particulièrement le rôle du public et ses apports potentiels à la régulation. Finalement, c’est la question de l’expertise du public que pose Marie Kerveillant. Elle considère que celui-ci doit disposer d’une expertise technique afin de pouvoir exercer une fonction de « second opinion » sur certaines questions. Mais elle estime également que le public détient une expertise profane, une expertise liée au « sens commun », qui permet d’aborder les questions et problèmes sur des plans complémentaires à l’approche technique dont le cadrage et la codification peuvent rendre aveugle à certains phénomènes.

Pour conclure, cet article est stimulant car il propose des pistes pour améliorer et renouveler les dispositifs et pratiques de participation du public à la régulation des risques. Il montre également qu’au-delà des déclarations d’intention sur l’importance de la participation du public à la régulation des risques, une part importante, sinon essentielle, de cette participation se joue au niveau des moyens mis en œuvre et que l’enjeu est donc le développement d’une véritable « ingénierie de la participation ».

Références

  • Dewey J. 2013 (1re édition, 1925). Expérience et nature. Paris : Gallimard. [Google Scholar]
  • Kerveillant M. 2018. The role of the public in the French nuclear sector. The case of the local information commissions for nuclear activities, Radioprotection, 53(2), 87–93. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]
  • Loi TSN. 2016. Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et la sécurité en matière nucléaire. Journal Officiel de la République Française n° 136 du 14 juin 2006, 8946. [Google Scholar]

Citation de l’article : Jeffroy F. 2018. Commentaire éditorial sur : The role of the public in the French nuclear sector. The case of the local information commissions for nuclear activities. Radioprotection 53(2): 95–96


© EDP Sciences 2018

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